31 Janvier 2012
La gloire n’est pas à la portée de tous. Et parfois celui qui la touche, qui la serre un instant, ou alors quand elle est toute proche, s’en trouve à jamais transformé. Car la gloire n’est pas innocente. Elle emporte avec elle l’être qui la fixe et la convoite. Elle séduit les audacieux, mais leur audace se tait bien vite devant quelques sirènes raisonnantes de promesses. La gloire en effet est pleine de serments et de surenchères, sans pour autant s’engager. Elle aveugle de merveilles celui qui la courtise, aveuglante donc comme le soleil que l’on fixe trop longtemps. Son approche est irréversible ; il en reste toujours quelque chose. Un point noir par exemple, qui rappelle au poète que toute chose est périssable, y compris son œuvre autrefois adulée lorsque la gloire s’en saisit. Dévorante, la gloire engloutit les vers et les lignes de l’auteur pour ensuite les digérer dans une profonde indifférence. Elle laisse cependant une trace, mais celle-ci le la concerne plus. C’est le poète qui la conserve et avec elle, entache le monde. Le poète n’est pas un empereur ; il ne sait pas embrasser ce qui glorifie sans y laisser de son œuvre, de sa vie. Il fixe le soleil au lieu, comme l’aigle impérial, de le contempler pour son service :
Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l'air, une tache livide.
Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j'osai fixer les yeux :
Un point noir est resté dans mon regard avide.
Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s'arrête mon oeil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire !
Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur !
Oh ! c'est que l'aigle seul - malheur à nous, malheur !
Contemple impunément le Soleil et la Gloire.