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19 Avril 2012
L’homme libre est comme la mer. Insondable, impétueux, indomptable. Il coule comme l’eau. La volonté est comme les ressacs marins ; elle dépasse les obstacles. L’homme libre prend sa part du réel à son compte, il l’entreprend, l’investit, tel une vague prenant possession de la terre. L’homme libre ressemble à la mer ; elle est son miroir. Lui qui se complaît dans son image, l’immensité marine satisfait cette complaisance de soi. Mais cette immensité n’est pas que de surface. Il est des profondeurs marines, et la mer ainsi est pleine de mystère car elle abuse le regard, en proposant un horizon iodée, rythmé par la marée, sans dévoiler ce qui se trouve dans son ventre. L’âme n’est pas moins différente. Elle ne se donne pas. Elle laisse seulement apparaître quelques signes, comme une promesse qu’ensuite elle ne tient pas. L’homme et la mer donc, unis, fraternels, pour mieux se désunir, s’affronter. La fraternité en effet n’est pas de tout repos. Ceux qui se ressemblent se divisent d’autant plus en aimant les mêmes choses. Et la mer et l’homme aiment les mêmes choses, ce que nous dit Baudelaire : le carnage et la mort.
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !