11 Avril 2012
Le mythe est une réponse à l’absurdité, en justifiant la fatalité, la tragédie. Il explique comment les choses se sont déroulées et pourquoi, mais cette explication n’a rien de rationnel. La mythologie n’est pas la science, ni la philosophie. Elle est une vision représentationnelle du réel qui s’appuie sur la croyance et dont la validité repose sur l’acceptation du plus grand nombre. Le mythe n’est ainsi guère éloigné de l’opinion. Son moteur est l’imagination. Il colore des évènements de l’existence, les parant d’une explication imagée, séduisante. C’est ce qui fait sa force, comparativement au concept dont la neutralité n’émeut pas. Cette séduction, sans critique, n’en est pas moins dangereuse, car le mythe sait prendre la forme d’une vérité établie, sans discussion, avec la religion notamment. Ne s’en tenir qu’au discours mythique conduit à enfermer la pensée, à réduire le réel à quelques récits explicatifs, aussi beaux soient-ils. Car le mythe, en plus de son contenu accessible, emploie des formes charmantes, avec le vers ou le chant. L’imaginaire collectif y trouve son compte, la tradition, puis le conservatisme également. Le mythe justifie en effet le présent à partir du passé, creusant un sillon dans les affaires humaines. Tout s’explique, tout se justifie. Le fatalisme prend le pas sur l’étonnement, mais aussi sur la justice des hommes. Si les choses se sont passées de la sorte, c’est qu’il devait en être ainsi. Si tel malheur s’est abattu sur la terre, c’est parce que des forces surnaturelles se sont déchaînées. Le mythe sans critique conduit ainsi à la superstition. C’est ce que condamnèrent les Lumières, avec la raison, pour proposer une société évolutive. Le progrès fût alors érigé comme l’idéal à soutenir. Mais ce soutient n’a-t-il pas pris à son tour, une forme mythique ? Les Lumières n’ont-elles pas contribué à la création d’un nouveau mythe, celui du progrès, entretenu par le positivisme du XIXème siècle ? Après que Descartes eût réglé son compte à la vision antique du monde, l’objectivité devenant alors le maître mot pour la validation de toute connaissance, la science emporta avec elle toute représentation mythique. La loi supplanta le mythe. L’héliocentrisme remplaça le géocentrisme. L’évolutionnisme remît l’homme à sa place originelle dans la nature. Et pourtant, aujourd’hui, le mythe demeure. Même si la science a produit une société technique, avec parfois la tentation de manipuler les espèces, y compris la nôtre, les constructions mythiques ne se sont pas effondrées. Certes, celles-ci ne conditionnent plus de nos jours, ou alors si tel est le cas, il faut combattre leur volonté d’emprise. Mais l’esprit a autant besoin de subjectivité que d’objectivité. L’esprit a autant besoin d’espace comme le propose le mythe, que de théorie scientifique à propos d’un objet. Et le mythe a cette dimension que la science n’a pas : il embrasse tout l’Univers.