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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Blaise Pascal toujours d'actualité en associant concupiscence et consumérisme...ou une explication de texte concernant les Trois Discours sur la condition des Grands

Pascal-Trois-Discours-sur-la-condition-des-Grands.jpgLa concupiscence contre la charité. La cité terrestre contre la cité céleste. Dans Trois Discours sur la condition des Grands, Pascal oppose la première à la seconde. Dans cette opposition, il est surtout question pour l’auteur des Pensées de poser les bases d’un ordre politique légitime : le gouvernant est celui qui est en mesure de satisfaire les désirs des gouvernés. Pour celui qui gouverne, il s’agit de posséder ce qui permet aux autres de bénéficier de ce dont ils aspirent. Le pourvoir ainsi se tient par et avec la concupiscence qui naturellement animerait chaque sujet : « Ces gens sont pleins de concupiscence. Ils vous demandent les biens de la concupiscence. C’est la concupiscence qui les attache à vous. Vous êtes donc proprement un roi de concupiscence, votre royaume est de peu d’étendue, mais vous êtes égal en cela aux plus grands de la terre. Ils sont comme vous des rois de concupiscence. C’est la concupiscence qui fait leur force, c’est-à-dire la possession des choses que la cupidité des hommes désire. » Mais qu’est-ce donc que la concupiscence ? Sur quel terrain ou selon quel ordre agit-elle ? La concupiscence est une inclinaison visant un bien matériel, s’inscrivant bien plus dans la sensibilité que dans l’esprit. Elle est terrestre et non céleste. Elle est au centre des affaires humaines selon Pascal. La concupiscence est aussi et surtout une exigence du moi qui ne souffre guère de ce que sont les désirs d’autrui. Tout au plus une convergence est possible entre ces mois désirants lorsque les désirs se rejoignent. C’est, toujours selon Pascal, cette convergence qui autorise la réunion des hommes. Ainsi, à propos de la justice, elle est reconnue non pas comme un idéal, mais dans toute gouvernance qui assure le contentement du plus grand nombre. Tel est en substance le message de Pascal, lorsqu’il affirme notamment que la force n’est pas garante du pouvoir – il est vrai que l’on peut toujours tomber sur plus fort que soi – alors que la concupiscence est d’une puissance capable de légitimer et donc pérenniser un gouvernement si celui-ci sait l’écouter : « Ce n’est point votre force et vôtre puissance naturelle qui vous assujettit toutes ces personnes. Ne prétendez donc point les dominer par la force, ni les traiter avec dureté. Contentez leurs justes désirs, soulagez leurs nécessités, mettez votre plaisir à être bienfaisant, avancez-les autant que vous le pourrez, et vous agirez en vrai roi de la concupiscence. » Cependant, n’allons pas croire que Pascal fait l’éloge de la cité terrestre. Il l’analyse, puis justifie que toute violence est inutile parce que le désir est plus durable que le poing. Cela n’est pas rien. Avec la raison, Pascal parvient à disqualifier une tendance caractéristique chez l’être humain à la contrainte forcée. Mais selon lui, la concupiscence est méprisable. Elle régit certes les affaires humaines, mais c’est justement ce règne qui mérite le mépris. Ce régime écarte peut-être la violence, mais l’homme tout de même se perd parmi les siens. C’est alors que Pascal oppose à la concupiscence la charité, c’est-à-dire une communauté où sont bannies les préoccupations égoïstes pour porter un bien commun vers lequel chacun tend, en s’oubliant en quelque sorte au profit de tous : « Il faut mépriser la concupiscence et son royaume, et aspirer à ce royaume de charité où tous les sujets ne respirent que la charité et ne désirent que les biens de la charité. »

Le message de Pascal est clairement orienté en faveur de la foi chrétienne. Le salut d’après lui n’est possible que si l’homme s’efface devant Dieu. Le salut, selon Pascal, n’est pas accessible par la voie politique, ni terrestre d’ailleurs. Il est ailleurs, et non ici et maintenant…Libre à chacun bien évidemment d’adhérer ou non à cette orientation. Il n’empêche que le discours est loin d’être désuet une fois que vous remplacez concupiscence par fièvre acheteuse, et son royaume par consumérisme. L’analyse pascalienne est alors tout aussi applicable à notre actualité. Faut-il ainsi s’en remettre exclusivement à Dieu comme le préconise Pascal ? Certainement pas ! La cité céleste est une abstraction qui peut aider certains à mieux se supporter, mais s’agissant d’un au-delà hypothétique, les affaires humaines ne s’y retrouvent guère, voire s’y perdent parfois. Il n’empêche que toute pensée verticale n’est pas nuisible au monde terrestre. Cette pensée peut être une valeur qui, si elle est avant tout respectueuse d’autrui, un respect qui serait comme une tension permettant la coexistence de la liberté de chacun avec l’égalité de tous, cette valeur donc n’aurait rien à voir avec la concupiscence, ni avec une foi d’aucune sorte.  Cette valeur ne présupposerait pas non plus un arrière-monde salutaire, mais au contraire serait la promotion quant à gagner le salut de l’âme avec toujours plus d’humanité.

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Blog(fermaton.over-blog.com).No-22, THÉORÈME DU GUERRIER. - LA JUSTICE ?
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