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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Extrait de Phénoménologie de la perception - Merleau-Ponty - Le corps et l'âme ne font qu'un

Phenomenologie-de-la-perception.jpgNous sommes habitués par la tradition cartésienne à nous dépendre de l’objet : l’attitude réflexive purifie simultanément la notion commune du corps et celle de l’âme en définissant le corps comme une somme de parties sans intérieur et l’âme comme un être tout présent à lui-même sans distance. Ces définitions corrélatives établissent la clarté en nous et hors de nous : transparence d’un objet sans replis, transparence d’un sujet qui n’est rien que ce qu’il pense être. L’objet est objet de part en art et la conscience conscience de part en part. Il y a deux sens et deux sens seulement du mot exister : on existe comme chose ou on existe comme conscience. L’expérience du corps propre au contraire nous révèle un mode d’existence ambigu. Si j’essaye de le penser comme un faisceau de processus en troisième personne – « vision », « motricité », « sexualité » - je m’aperçois que ces « fonctions » ne peuvent être liées entre elles et au monde extérieur par des rapports de causalité, elles sont toutes confusément reprises et impliquées dans un drame unique. Le corps n’est donc pas un objet. Pour la même raison, la conscience que j’en ai n’est pas une pensée, c’est-à-dire que je n peux le décomposer et recomposer pour en former une idée claire. Son unité est toujours implicite et confuse. Il est toujours autre chose que ce qu’il est, toujours sexualité en même temps que liberté, enraciné dans la nature au moment même où il se transforme par la culture, jamais fermé sur lui-même et jamais dépassé. Qu’il s’agisse du corps d’autrui ou de mon propre corps, je n’ai pas d’autre moyen de connaître le corps humain que de le vivre, c’est-à-dire de reprendre à mon compte le drame qui le traverse et de me confondre avec lui. Je suis donc mon corps, au moins dans toute la mesure où j’ai un acquis et réciproquement mon corps est comme un sujet naturel, comme une esquisse provisoire de mon être total. Ainsi l’expérience du corps propre s’oppose au mouvement réflexif qui dégage l’objet du sujet et le sujet de l’objet, et qui ne nous donne que la pensée du corps ou le corps en idée et non pas l’expérience du corps ou le corps en réalité.

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