18 Février 2010
Le mot fameux « non Sire, ce n’est pas une révolte, c’est une révolution », met l’accent sur cette différence essentielle. Il signifie exactement « c’est la certitude d’un nouveau gouvernement ». Le mouvement de la révolte, à l’origine, tourne court. Il n’est qu’un témoignage sans cohérence. La révolution commence au contraire à partir de l’idée. Précisément elle est l’insertion de l’idée dans l’expérience philosophique quand la révolte est seulement le mouvement qui mène de l’expérience individuelle à l’idée. Alors que toute l’histoire, même collective, d’un mouvement de révolte est toujours celle d’un engagement sans issue dans les faits, d’une protestation obscure qui n’engage ni système ni raison, une révolution est une tentative pour modeler l’acte sur une idée, pour façonner le monde dans un cadre théorique. C’est pourquoi la révolte tue des hommes alors que la révolution détruit à la fois les hommes et les principes…
Les anarchistes, Varlet en tête, ont bien vu que gouvernement et révolution sont incompatibles au sens direct. « Il implique contradiction, dit Proudhon, que le gouvernement puisse être jamais révolutionnaire et cela par la raison toute simple qu’il est gouvernement ». Expérience faite, ajoutons à cela que le gouvernement ne peut être révolutionnaire que contre d’autres gouvernements. Les gouvernements révolutionnaires s’obligent la plupart du temps à être des gouvernements de guerre. Plus la révolution est étendue et plus l’enjeu de la guerre qu’elle suppose est considérable. La société de 1789 veut se battre pour l’Europe. Cette qui est née de 1917 se bat pour la domination universelle. La révolution totale finit ainsi par revendiquer, nous verrons pourquoi, l’empire du monde…
Le révolutionnaire est en même temps un révolté ou alors il n’est plus révolutionnaire, mais policier et fonctionnaire qui se tourne contre la révolution. Si bien qu’il n’y a pas de progrès d’une attitude à une autre, mais simultanéité et contradiction sans cesse croissante. Tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique. Dans l’univers purement historique qu’elles ont choisi, révolte et révolution débouchent dans le même dilemme : ou la police ou la folie.