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26 Avril 2010
Puis donc qu’il s’agit de la nature de l’âme, écartons de notre pensée toutes les connaissances qui nous viennent du dehors par l’entremise des sens corporels, et examinons plus attentivement ce que nous avons dit, que toutes les âmes se connaissent elles-mêmes et avec certitude. En effet, est-ce l’air qui a la faculté de vivre, de se souvenir, de comprendre, de vouloir, de penser, de savoir ? Ou est-ce le feu, la cervelle, le sang, les atomes, ou je ne sais quel cinquième élément ajouté aux quatre autres, ou l’ensemble de l’organisation de notre corps ? C’est une question sur laquelle les opinions sont partagées, les uns adoptant celle-ci et les autres celle-là. Et cependant personne ne doute qu’il ait la faculté de vivre, de se souvenir, de comprendre, de vouloir, de penser, de savoir et de juger. Bien plus, s’il doute, il vit ; s’il doute de l’origine de son doute, il se souvient ; s’il doute, il comprend qu’il doute ; s’il doute, il veut être certain ; s’il doute, il pense ; s’il doute, il sait qu’il ne sait pas ; s’il doute, il juge qu’il ne doit pas croire au hasard. Quelle que soit donc d’ailleurs la matière de son doute, voilà des choses dont il ne doit pas douter ; car, sans elles, il ne pourrait douter de rien.
Mais ces choses, ceux qui pensent que l’âme est un corps, ou l’arrangement et l’organisation du corps, veulent les voir dans le sujet, en sorte que la substance de l’âme serait, selon eux, de l’air, du feu, ou un corps quelconque, qu’ils prennent pour l’âme, tandis que l’intelligence ne serait dans ce corps que comme une qualité : sujet d’un côté, accident du sujet de l’autre ; sujet, l’âme qu’ils croient matérielle ; modification du sujet, l’intelligence et toutes les facultés énumérées plus haut et dont nous avons la certitude. De cette opinion se rapproche beaucoup celle qui prétend que l’âme n’est point un corps, mais l’ensemble oui l’organisation du corps. La différence qu’il y a, c’est que ceux-là disent que l’âme est une substance ; tandis que ceux-ci prétendent que l’âme est dans le sujet, c’est-à-dire dans le corps dont elle est l’ensemble ou l’organisation. Et l’intelligence, où la placeront-ils les uns et les autres, sinon dans le même sujet, le corps ?
Mais ni les uns ni les autres ne s’aperçoivent que l’âme se connaît dès lors qu’elle se cherche […]. Or on ne peut régulièrement dire qu’une chose est connue, si on ignore quelle en est la substance. Donc, dès que l’âme se connaît, elle connaît sa substance ; et si elle est certaine de son existence, elle l’est aussi de sa substance.