Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous
16 Janvier 2011
On trouve, dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes écrit par Jean-Jacques Rousseau, la phrase suivante : « Chacun commença à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même. » Autre temps, autre auteur, un siècle plus tôt La Rochefoucauld livrait, dans ses Maximes et réflexions diverses, la conclusion suivante : « Si l’aiguillon principal de l’activité humaine n’est pas le désir de biens matériels, de la satisfaction égoïste, mais l’aspiration à la gloire et aux honneurs, comment pourrait-on se passer des autres, qui sont les seuls pourvoyeurs possibles ? » Ces deux illustres penseurs, Rousseau et La Rochefoucauld, ont en commun de penser un thème relativement délaissé par la philosophie occidentale : la reconnaissance. La Rochefoucauld nous dit à son sujet qu’elle est une force nous animant et qui dépasse le désir de propriété, de possession. Mais reconnu à quel titre ? Peu importe dirions-nous, le contenu n’est qu’un moyen pour atteindre le but vers lequel tout homme tendrait, soit d’être considéré par son entourage. Que l’on soit riche ou pauvre, actif ou chômeur, jeune ou vieux, la reconnaissance est un moteur individuel créant du mouvement impactant la collectivité. La reconnaissance n’en est pas moins une affaire empreinte d’ambigüité. Elle vise deux effets : impressionner et séduire. Autrui est ainsi nécessaire à la reconnaissance, d’une part pour se distinguer de lui afin d’être reconnu, d’autre part pour qu’il soit acteur de cette reconnaissance, comme un relais, comme le projecteur de notre propre valeur. Autrui est ainsi un ennemi et un allié, la reconnaissance étant aussi une lutte. Pour certains, celle-ci leur est trop difficile. Mais comme l’homme est un animal social, ils ne peuvent y échapper. Une stratégie de substitution consiste à se fondre dans un groupe, à se reconnaître ensembles. D’autres encore tentent de créer leur propre référentiel de reconnaissance pour remplacer celui communément admis et qui pourtant leur est étranger. Il y a également l’illusion pour pallier à un déficit de considération, dont les appuis sont la vantardise ou la mythomanie, ou encore l’orgueil caractérisé par un culte solitaire de sa personne. La reconnaissance s’établit également dans l’espace public. Les minorités veulent être entendues. Ceux qui sont estimés comme étant à la marge veulent être reconnu par les conventions pour ce qu’ils sont, donc entrer en quelque sorte d’un pas prudent dans la normalité. Ainsi, reconnaître, c’est aussi accepter l’autre, le considérer comme son égal quelque soit ce qui nous différencie. La diversité est un trait humain qui fait la richesse de notre espèce à condition de reconnaître dans chacun de ses représentants un homme.