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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

L'angoisse : l'homme sorti du néant et angoissé à l'idée d'y retourner

Angoisse-et-neant.jpgL'angoisse est une peur sans objet précis, ce qui la rend d'autant plus diffiçile à combattre. En effet, comment vaincre ce qui n'existe pas maintenant ? L'angoisse est ainsi différente de la crainte ; on craint quelque chose, ou quelqu'un. Mais parfois, la frontière entre l'angoisse et la crainte est floue, car l'imagination s'en mêle. Je pense être en présence de ce que je crains, alors que peut-être ne s'agit-il que d'une ombre...

Même si l'angoisse n'est pas déterminable, elle est malgré tout orientée vers l'avenir. J'angoisse de ce qui arrivera, sans savoir de quoi demain sera fait. S'agissant d'une projection dans l'incertitude, être angoissé, c'est avoir peur de rien, comme l'écrit Kierkegaard : « Qu'est-ce donc ? Rien. Mais quel effet produit ce rien ? Il engendre l'angoisse » (Le concept d'angoisse – Kierkegaard). L'angoissé manque ainsi d'un repère sur lequel s'appuyer pour matérialiser sa peur. Le seul nom que l'on peut donner à cet inconnu effrayant est le néant, lequel peut être perçu selon quatre aspects : le vide, le possible, la contingence et la mort.

Le vide est un trou sans fond, et l'idée d'y tomber est angoissante. Rien n'arrêtera la chute, ce qui en soi est vertigineux. Et comme l'énonce Pascal, le vertige produit une sensation de peur qui n'est pas raisonnable : « Le plus grand philosophe du monde, sur ue planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessus un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer » (Pensées, 104 – Pascal). On n'y peut rien. L'homme se représente le vide comme un gouffre abominable, et même en sécurité, il ne peut y être indifférent.

Quant au possible, il renvoie à la liberté. Être libre, c'est être en mesure de modifier le réel, de ne pas rester prisonnier de ce qui est dans l'immédiat, ni de son état passé et présent. La liberté projette ainsi l'homme vers des possibilités qui n'existent pas encore, soit vers le néant. Voilà ce qui effraie : ne pas savoir ce qu'il adviendra des choix qui ont été les miens. Selon les existentialistes, comme Sartre, l'individu ne peut échapper à la néantisation du réel lorsqu'il se libère du présent. S'y refuser, c'est se mentir à soi-même, être de mauvaise foi. Le néant, et l'angoisse qui l'accompagne, seraient ainsi le prix à payer pour être libre. Sartre nous dit à ce propos : « La réalité humaine est libre dans l'exacte mesure où elle a être son propre néant ».

Lorsque le possible se réalise, il n'est plus question de possibilité, mais de contingence, soit ce qui est mais qui aurait pu très bien ne pas être. L'homme est à la fois contingent et dans la contingence. Il existe et crée des situations. L'être humain est, et produit de l'être, à l'opposé du rien. Une limite s'établit ainsi entre l'être et le rien, et l'homme la perçoit, en est également responsable pour partie. Cette perception et cette responsabilité sont génératrices d'angoisse. L'individu est quelqu'un, en opposition au rien, mais l'inverse était tout à fait possible. L'existence tient donc à peu de chose. Mais le plus absurde est que cet être triomphant sur le néant est condamné à mourir. L'homme est sorti du néant, mais il est destiné à y retourner, et il a conscience de ce retour forcé. Même s'il ne connaîtra jamais la mort de son vivant, la perte d'un proche n'étant pas connaissance mais côtoiement, l'être humain vit avec l'idée de sa fin annoncée, ce qui l'angoisse. En effet, qu'y-a-t-il après la fin, si ce n'est rien...

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