26 Septembre 2011
Maman morte, c’est l’enfance qui disparaît à jamais, qui tombe subitement comme un oiseau dont le vol s’arrête pour toujours. Maman morte, l’enfant n’est plus du tout, parce que de son vivant elle portait avec elle un peu de cette enfance de celle ou celui dont les années l’ont fait adulte. Le regard d’une mère sur sa progéniture change certainement au fil des ans, mais il n’en conserve pas moins une part irréductible de cette attention maternelle dévolue à l’enfant et qui d’ailleurs le constitue. C’est peut-être ce qui dérange parfois cet homme pressé, ou qui se pense aguerri, lui dont les ailes ne sauraient supporter aucune charge, y compris affective, pour faire tout ce qu’il estime devoir accomplir afin de se sentir être quelqu’un. Cet homme s’éloigne alors pour ne pas avoir à répondre à cette mère qui le considère, attendrie, mais n’en est pas moins interrogative quant à son existence. C’est en empruntant les yeux de maman que l’enfant questionne l’adulte qu’il est devenu : qu’as-tu fait de mon enfance ? Maman regardant tendrement cet homme qui s’ébat quotidiennement, c’est aussi l’innocence de l’enfance que cette mère porte toujours en elle, qui se fait le miroir des petites lâchetés de celui-ci. Qu’il est donc difficile de soutenir ce regard maternel. On le craint. On s’en éloigne pour aller s’abrutir ailleurs. On ne se doute malheureusement pas qu’il est si précieux, et l’on passe à côté. Ce n’est qu’une fois maman morte que toute la valeur de son attention à notre égard nous éclate à la figure. Mais il est trop tard. Ne restent que des morceaux de ce miroir qui désormais sont définitivement des souvenirs, ce que nous dit Albert Cohen dans Le Livre de ma mère.