9 Octobre 2011
L’aube est le moment propice aux promesses. Lorsqu’elle se pointe, c’est un début qui s’annonce pour que vienne la suite. Elle est un instant privilégiée du jour qui s’éveille parce que tout est à venir, comme l’enfance pour ce qui est d’une existence. L’enfant est une promesse d’avenir et c’est pour cela qu’il est sacré. Il est au commencement d’une vie et rien n’a plus de valeur que cette vie en l’état, mais aussi ce qu’elle sera ensuite. Et parce que la concernant, rien n’est fait, ni écrit, l’enfance peut recevoir toutes les promesses. C’est sa richesse, mais aussi son dépouillement. En promettant, on enlève, on trie, on s’engage vers quelque chose pour abandonner toutes les autres. On ne peut se promettre toutes les directions et la promesse ne nous appartient pas totalement. Elle est parfois même bien plus un acquiescement lorsque l’on se promet d’être ce qu’un autre que soi veut que l’on soit, comme il en va d’une mère avec son fils. Romain est de ceux-là qui concèdent tout à celle qui est leur premier amour et peut-être le seul. Qu’il est amer d’ailleurs cet amour maternel de par son souvenir, lorsqu’une fois qu’il n’existe plus, rien ne le remplace, pas même les bras d’une femme. L’amour d’une mère est aussi une promesse, mais elle ne sera jamais tenue : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. » La mère nous a donné tout l’amour qu’il est possible de recevoir. Aucune autre ne sera comme elle une source inépuisable. Romain Gary nous dit qu’il passera sa vie à avoir soif. Sa vie, c’est aussi ce que sa mère lui a promis, pour lui, mais peut-être et surtout pour elle. Toutes les promesses qu’elle lui a faites pour eux deux sont le sens de son existence. Toute sa vie tend vers un au-delà, non pas un arrière-monde mais un avant-monde, c’est-à-dire sur ce que sera son fils. Romain alors enchaîné pour devenir Gary, puis encore plus tard Emile Ajar ? Toujours est-il que la promesse, même si on ne la commande pas tout à fait, ni toujours, donne de la force pour faire un destin exceptionnel, pour faire de sa vie une œuvre d’art dont le but inavoué serait de trouver ce qui échappe à tout homme, l’infini, ou alors de retrouver ce que l’enfant connût jadis avec l’amour maternel, l’absence de limite.