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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Une histoire du gouvernement

Gouvernement.jpgLe gouvernement a de nos jours une connotation essentiellement politique. On s’y réfère lorsqu’il est question d’autorité publique, ou encore pour signaler le pouvoir exécutif. Il n’en a cependant pas toujours été ainsi. Le Dictionnaire de l’Académie Française, édition de 1694, intègre pour définir le gouvernement la sphère individuelle. Gouverner, c’est savoir se conduire, c’est avoir le sens de l’administration, de l’éducation. On gouverne sa maison, mais aussi ses enfants. Le gouvernement ainsi repose sur des considérations d’ordre moral, psychologique, économique. Mais quelque soit le contexte, le fait de gouverner s’appuie avant tout sur l’exercice d’un pouvoir sur un être, non pas pour le dominer, mais pour favoriser sa conservation et son accomplissement. Cette préoccupation a d’ailleurs des racines très anciennes. Au XIIIème siècle, Thomas d’Aquin écrivait que « gouverner un être, c’est conduire comme il faut à la fin requise ». Ainsi, il ne s’agit pas de violenter en gouvernant, mais d’amener le gouverné vers ce qui lui correspond. Cette idée est également celle du pape Grégoire Ier, dit le Grand, reprise dans la Règle pastorale qu’il rédigea au VIème siècle et qui sera un fondement de la doctrine chrétienne traversant tout le Moyen-âge. La Règle pastorale se décline en quatre livres, le premier fixant les conditions permettant d’accéder au gouvernement des âmes, le second prescrivant au pasteur le comportement à adopter pour l’exercice de son magistère, les troisième et quatrième exposant la psychologie à retenir dans le cadre de la prédication selon le type d’âme auquel elle s’adresse. Grégoire Ier exclut toute violence dans cette règle mais recommande l’exemplarité et la persuasion pour gouverner et conduire les esprits vers la perfection. Le pouvoir séculier qui suit abandonne peu à peu cette association entre éthique et gouvernement, pour se concentrer de plus en plus vers la puissance. L’œuvre de Machiavel, Le Prince, écrite au début du XVIème siècle, marque un tournant dans l’histoire des idées. Machiavel revisite le principe du gouvernement. Il écrit : « Gouverner n’est rien d’autre que tenir ses sujets de telle sorte qu’ils ne puissent ou vous doivent vous causer du tort. Cela se fait soit en s’en assurant entièrement et en leur enlevant tout moyen de vous nuire, soit en leur accordant des bienfaits de façon à ce qu’ils ne soient pas raisonnables, qu’ils aient à désirer changer de sort. » Ainsi, le prince gouverne pour ne pas être renversé. Le gouvernement perd son objet éthique, pour être un instrument de domination. De là le pouvoir absolu qui repose sur l’obéissance des sujets au souverain. Le gouvernement se confond avec l’exercice de la souveraineté… Il faut attendre Rousseau pour que germe l’idée d’une indépendance entre souveraineté et gouvernement. Le philosophe des Lumières pose les bases d’un pouvoir exécutif subordonné à la souveraineté, avec dans le rôle du souverain, le peuple, à qui seul appartient le pouvoir législatif. Gouverner consiste ainsi à exécuter ce qu’exprime la volonté générale. Rousseau, dans Du Contrat social, explique ce qu’est selon lui le gouvernement : « Un corps intermédiaire établi entre les sujets et le souverain pour leur mutuelle correspondance, chargé de l’exécution des lois et du maintien de la liberté, tant civile que politique. » Le gouvernement se trouve ainsi subordonné à la puissance législative, laquelle s’exprime au travers de représentants du peuple élus par lui et en son sein. Le gouvernement devient donc l’instrument au service des citoyens. On ne gouverne pas pour la puissance, mais pour le peuple.

 

Qu’en est-il aujourd’hui du gouvernement ? Nos institutions sont certes organisées selon la pensée rousseauiste. Mais un cadre institutionnel ne suffit pas au respect du principe encadré, ce que confirme l’expérience. Jamais les élus du peuple ne l’ont été avec si peu de voix. Chaque élection constate une abstention significative. Peut-on alors encore considéré qu’il s’agit d’un système représentatif lorsque des millions d’électeurs ne s’expriment pas ? Ne faut-il pas penser de nouveau les conditions d’exercice du gouvernement ?

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