Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous
3 Décembre 2010
Succède à Kant, Hegel, dont l’ambition est de repenser la philosophie dans sa totalité, jusqu’à théoriser un système dialectique expliquant l’histoire. Hegel en effet pense l’unité des contraires et la dépasse. L’être et le néant par exemple s’opposent tout en appartenant tous deux à un tout, et c’est le devenir qui les réunit. Thèse, antithèse, synthèse, tel est le rythme hégélien. Tout est aussi joué d’avance selon Hegel. Le monde est une réalisation. Les hommes ont beau se passionner, se heurter entre eux, s’opposer ou s’unir, l’Histoire les conduira là où elle veut les mener, sans qu’ils puissent la contourner. Pire, l’homme croit agir et penser comme il l’entend sur le cours des choses, alors qu’il est pris dans un mouvement incontrôlable. La liberté serait donc une illusion, une ruse de la raison.
Hegel conclut donc la philosophie moderne ; après lui c’est la pensée dite contemporaine qui débute. Celle-ci s’inscrit avant tout en opposition à la systématisation des Modernes empreinte d’absoluité. Pour les premiers contemporains, comme Auguste Comte, on ne peut s’accorder sur l’absolu, car tout est relativisme. Cette conclusion serait selon lui l’aboutissement de l’esprit évolué, comme le corps qui grandit jusqu’à mûrir. D’abord, au premier stade spirituel, c’est la religion qui domine, avec la croyance en une unité divine responsable de tout et envers laquelle chacun est redevable. Vient ensuite le temps du doute, puis de la critique, et dès lors l’abstraction dissout toute théologie, sans pour autant exclure les approches déistes. Spinoza par exemple ne refuse pas Dieu, mais le sien n’a plus rien d’humain en perdant toute représentation anthropomorphique. C’est l’immanence, comme le pensaient bien avant lui les stoïciens, qui se substitue à la transcendance et ordonnerait le monde. Enfin, la troisième et dernière phase de développement de la conscience humaine est l’avènement du relativisme. L’interprétation remplace alors la révélation, le dogme. Il devient bien plus essentiel de comprendre le fonctionnement des choses que de s’expliquer pourquoi elles existent. Ceci revient à la science, en visant la compréhension des lois de la nature et la rationalisation des liens unissant les phénomènes entre eux.
Auguste Comte voit tout de même dans le chemin emprunté par l’esprit une issue : tout tend vers le progrès. Même si le savoir humain ne peut prétendre à l’absolu, son étendue toujours plus grande participe à l’humanisation de l’homme. Auguste Comte, et avec lui le positivisme, accorde à la science une ingérence primordiale dans le destin de l’humanité. D’autres philosophes à sa suite refusent à la conscience la capacité de connaître l’absolu. Kierkegaard en fait partie, mais celui-ci s’intéresse beaucoup plus à l’individu. Il croit en un tout ordonnateur mais selon lui, l’homme ne peut y accéder, ni le rationnaliser, parce qu’il est avant tout un sujet pris « dans un rapport avec cet absolu à l’égard duquel il ne peut se détacher ». Penser l’homme comme apte à dépasser ce qui le lie absolument avec le réel serait donc une ineptie ; toute tentative systémique d’explication du monde conduirait à une impasse. A la manière de Comte, Kierkegaard conçoit la connaissance humaine comme un cheminement, également évolutif mais dont la finalité est différente. Il estime en effet que l’existence conduit l’individu vers la foi, dès lors que sont passées l’époque des expériences sans but précis puis la prise de conscience d’une nécessité éthique pour mieux vivre. Autrement dit, l’homme vit d’abord en actes au jour le jour, puis s’engage et se conforme à cet engagement, pour ensuite entrer dans la foi religieuse. L’individu chercherait à se fixer un absolu pour gouverner son existence en spiritualisant un cap. Il s’agit ici d’une philosophie optimiste, optimisme que ne partagera pas Schopenhauer qui lui succède.