Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous
8 Février 2011
Le fascisme n’est pas un accident de parcours, mais bien l’aboutissement de circonstances et d’évènements qui s’associant ont permis son émergence, puis sa prise du pouvoir. Le fascisme au XXème siècle est également européen. Il se conclura d’ailleurs sur une guerre déclarée en Europe qui deviendra ensuite mondiale. S’il n’est pas accidentel, quelles sont alors les conditions qui ont permis la poussée fasciste ? La première est liée à la seconde révolution industrielle touchant la deuxième moitié du XIXème siècle et qui provoque une crise de civilisation majeure. Les sociétés occidentales se modernisent très rapidement, avec le développement de nouvelles technologies, l’utilisation de nouvelles sources d’énergie, comme le pétrole, ou encore l’électricité, le tout entraînant une nouvelle ère de production de masse. L’industrialisation des économies entraîne également une concentration géographique des appareils productifs, mais également la réunion dans quelques mains des moyens financiers. Produire ne suffit pas, il faut aussi vendre pour dégager des bénéfices. L’Europe trouve avec l’impérialisme de nouveaux débouchés commerciaux. Mais tous les Etats européens ne sont pas impactés au même rythme par la révolution industrielle. L’Allemagne, la Russie, l’Italie, sont à la traine en cette fin de XIXème siècle. Pour rattraper leur retard, les changements sont brutaux dans ces pays, générant ainsi une déstructuration soudaine de la société traditionnelle. Exode rural, migrations internationales, prennent une ampleur sans précédent. Concentré dans des cités de plus en plus tentaculaires, confronté à l’exil, l’homme européen se sent rapidement déraciné. Il ne se reconnaît plus dans cette nouvelle société qui se prépare. Les structures classiques d’encadrement, comme le métier, la corporation, la communauté villageoise, la famille, s’effondrent. Atomisés, les individus se perdent de plus en plus dans la masse, comme l’explique Hannah Ardent dans son ouvrage Le système totalitaire : « L’atomisation sociale et l’individualisation extrême précèdent les mouvements de masse. » Parallèlement à ce phonème, le progrès scientifique s’amplifie et l’homme devient de plus en plus maître et possesseur de la nature. Il voit plus loin avec le télescope, il voit plus près avec le microscope. Ses capacités productives s’accroissent exponentiellement. La promesse prométhéenne de l’homme dominant son environnement semble donc s’accomplir. De nouveaux moyens de communication permettent aussi de rapprocher les territoires, de s’affranchir un peu plus des distances, avec le chemin de fer, le bateau à vapeur, l’automobile, mais aussi le téléphone. Tout va toujours plus loin et plus vite en ce début de XXème siècle ! Trop vite peut-être. Certains pourtant se grisent de ces puissances nouvelles et vouent un véritable culte à la vitesse, au progrès, pour donner naissance à de nouveaux courants de pensée, artistiques, littéraires, philosophiques, qui se rejoignent notamment dans le futurisme. D’autres, bien plus nombreux, sont perdus. Leur perception du temps et de l’espace se trouve ébranlée. Le monde selon eux ressemble de moins en moins à ce qu’il était…La révolution industrielle crée également de nouvelles inégalités, entre ceux qui en en profitent et ceux qui en subissent les conséquences. Les premiers forment peu à peu une nouvelle classe dirigeante, peu étendue, qui se transforme vite en oligarchie. Les seconds sont principalement des artisans, des petits commerçants, des petits propriétaires, ou encore des intellectuels déclassés. Face à la démocratie libérale qui s’installe, ils s’insurgent pour la plupart, refusent la restructuration de classes en cours, jusqu’à prôner la violence pour certains, en s’inscrivant dans des mouvements anti-démocratiques, comme le socialisme révolutionnaire, ou encore le blanquisme.
La seconde révolution industrielle est également culturelle. L’idée des Lumières considérant la science comme un moteur menant au progrès et au bonheur universel a vécu. En outre, les découvertes scientifiques du début du XXème siècle, avec notamment Planck et Einstein, bouleversent la vision traditionnelle que l’homme se faisait du réel depuis Newton. Le hasard reprend ses droits vis-à-vis du déterminisme. Le monde n’est plus l’horlogerie de Voltaire, la mécanique classique cédant face aux quantas. Les lois universelles sont remises en cause avec la perspective d’un monde chaotique. La science progresse donc, et paradoxalement elle est de plus en plus critiquée. Le scientisme d’ailleurs s’efface devant les assauts d’une pensée privilégiant l’instinct, rompant également avec la foi et toute religiosité. Nietzsche est passé par là ! Le relativisme fait voler en éclat les positions visant la science comme un absolu, en poursuivant notamment l’idée que la vérité n’est pas immuable. L’interprétation ainsi se substitut à la révélation.
La révolution industrielle, puis culturelle, ont ainsi favorisé le développement d’un climat d’insécurité dont les courants idéologiques extrémistes savent profiter. Mais c’est la première guerre mondiale, avec son lot d’atrocités, qui donnera au fascisme toutes les dispositions requises à son avènement.