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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

La prière ou le bon sens comme remède à la mélancolie - Commentaire du texte Mélancolie, extrait des Propos sur le bonheur écrits par le philosophe Alain

La mélancolie fait de celle ou celui qui en est sujet, un être soumis à une représentation qu’elle ou il ne parvient pas à dépasser. Quelles que soient les situations dans lesquelles le mélancolique est placé, il dégagera de chacune d’elle une profonde tristesse, comme l’écrit Alain dans le texte Mélancolie, tiré de ses Propos sur le bonheur : « Considérons pourtant les malades que l’on appelle mélancoliques : nous verrons qu’ils savent trouver en n’importe  quelle pensée des raisons d’être tristes ; toute parole les blesse ; si vous les plaignez, ils se sentent humiliés et malheureux sans remède ; si vous ne les plaignez pas, ils se disent qu’ils n’ont plus d’amis et qu’ils sont seuls au monde ». Toutes les occasions sont bonnes pour être tristes dirions-nous, ou plutôt que la mélancolie se suffit à elle-même. Elle n’a pas besoin de cause extérieure pour se maintenir. Tout juste s’appuie-t-elle sur des cas concrets, des exemples, pour se justifier, mais ce ne sont là que des simagrées. La mélancolie est une représentation incolore et douloureuse du monde par la conscience, laquelle ne parvient pas à se dépasser pour rendre ses couleurs au réel. La mélancolie tire sa force, sa puissance, par le fait de n’être qu’une interprétation personnelle, intériorisée, sans aucun de lien de causalité extérieur. Alain prévient pourtant que « La profonde tristesse résulte toujours d’un état maladif du corps ; tant qu’un chagrin n’est pas maladie, il nous laisse bientôt des instants de paix, et bien plus que nous ne croyons ». Il serait ainsi inopportun de dissocier la tristesse de la maladie. Mais l’homme a bien du mal à s’affranchir de certaines pensées, comme le constate Alain : « La plupart des hommes nient cela, et soutiennent que ce qui les fait souffrir dans le malheur, c’est la pensée même de leur malheur ». Avec la mélancolie, la passion l’emporte sur la raison, et Alain y voit même une manifestation de la folie, en reprenant la logique cartésienne définissant la folie comme déraison, c’est-à-dire ce qui échappe à la raison. Pour autant, le combat n’est pas perdu. Alain recommande ainsi la stratégie suivante : reconnaissons la mélancolie comme une maladie, un mal de l’âme en quelque sorte qui n’a rien de différent d’un ventre douloureux, donc qui se soigne, et ceci grâce notamment au repos : « De cette espèce de folie, qui porte les passions jusqu’à la rage, on peut se délivrer en se disant, justement, que la tristesse n’est que maladie, et doit être supportée comme maladie, sans tant de raisonnements et de raisons. […], on n’accuse plus ; on supporte ; cependant on se repose, et ainsi on combat la tristesse justement comme il fallait ». L’homme accablé doit donc se préserver de toute agitation spirituelle qui ne fait qu’animer le feu mélancolique. Alain trouve d’ailleurs dans le recueillement une possibilité de s’éloigner de toute turbulence de l’esprit, et accorde ainsi à la prière une vertu médicinale : « C’est à quoi tendait la prière, et ce n’était pas mal trouvé ; devant l’immensité de l’objet, devant cette sagesse qui sait tout et a tout pesé, devant cette majesté incompréhensible, devant cette justice impénétrable, l’homme pieux renonçait à former des pensées ». Faut-il alors se tourner vers Dieu, ou sur toute autre transcendance, pour réduire au silence une tristesse qui n’est qu’un rapport personnel entretenu avec le monde, et qui se trouve donc écraser par l’absoluité de ce qui est prié ou invoqué ? Alain préfère rester sur Terre, en proposant une autre solution, celle du bon sens qui canaliserait une imagination par trop débordante sur la raison : « […] ; mais on arrive aussi, par bon sens, à se donner cette espèce d’opium d’imagination qui nous détourne de compter nos malheurs ».

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