22 Juin 2012
La quatrième des Causeries de Merleau-Ponty fait état de la différence entre la pensée classique et la conception moderne pour ce qui de penser le réel. Déjà, l’auteur nous dit que le monde ne porte pas en soi l’idée qu’on peut en avoir. Autrement dit, distinguer la matière de l’esprit, comme le font sans nuance les rationalistes, est un procédé intellectuel. Rien dans la nature n’exige cette dualité. C’est une façon de concevoir les choses, comme il en existe d’autres. Ces dernières peuvent notamment réhabiliter l’animal, en lui conférant une dimension comportementale dépassant tout enchaînement mécanique. Descartes, sous cet angle, aurait été trop restrictif à propos des animaux. La spontanéité n’est pas que le reflet d’une machine en mouvement. Sans parler de raison animale, il existerait un entre-deux entre matière et esprit, ou plutôt autre chose que la raison humaine car le monde ne lui accorde aucune exclusivité. L’idée n’emporte pas non plus avec elle tout ce qu’elle conçoit, tout comme il n’est pas de relation unique entre l’être et le monde. L’animalité par exemple induit un rapport avec le monde qui n’est pas le nôtre, mais qui ne saurait être dévalué sous prétexte qu’il ne nous correspond pas. En outre, nous apprenons avec Merleau-Ponty, et Freud dont il fait référence, que la façon d’être au monde de l’animal, abstraction faite de tout jugement dévalorisant, s’infiltre dans quelques profondeurs psychiques bien humaines, produisant des croyances culturelles particulièrement ancrées dans un groupe humain, reproductibles de générations en générations jusqu’à nous atteindre. L’animal nous touche au plus profond de notre être. Il devient symbole, et donc constructif d’un esprit qui parfois, ingrat, le dévalorise.