Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous
8 Décembre 2010
Non, le système bancaire ne s’est pas effondré. L’appel d’Eric Cantona à retirer massivement son argent de sa banque n’a pas été suivi, et pourtant suffisamment entendu et commenté. L’effet médiatique produit par la déclaration d’un ancien footballeur international, en s’invitant aux débats économiques, est symptomatique d’une époque en manque de repère. La renommée dans un domaine particulier suffit aujourd’hui à capter l’attention sur soi, y compris pour mobiliser, dans une direction donnée sans rapport avec l’activité qui fît ou fait la célébrité. Bien-sûr, chacun a le droit de donner son avis. Mais quand est-il dès lors qu’il s’agit plus que d’une prise de position, mais d’une une invitation à agir pour détruire un système, sans proposition alternative une fois tout détruit. Le politique on le sait n’a plus désormais la faveur du public. Une méfiance généralisée s’est installée à l’égard des représentants des pouvoirs publics et ceux qui souhaitent accéder à des fonctions représentatives. Dès lors, le populisme n’est plus contenu dans le monde politique, et ses capacités de diffusion se sont élargies de façon exponentielle avec le relais des réseaux sociaux qui foisonnent sur Internet.
Eric Cantona est populiste lorsqu’il appelle à mettre bas les banques, en alimentant la défiance et le mécontentement général vis-à-vis des institutions financières sans promettre de perspectives de sortie. De plus, son raisonnement est incomplet, peut-être volontairement, en ne retenant que le côté populaire d’une faille inhérente au secteur bancaire. En effet, Cantona ne dit pas que les dépôts des particuliers servent à financer les entreprises dans lesquels chacun travaille et perçoit un salaire qui sert de base aux mêmes dépôts qu’il vise comme instrument révolutionnaire. Il ne dit pas qu’avec les banques, ce sont tous les agents économiques qui s’effondrent, dont les épargnants. Dans un système intégré comme l’est l’activité bancaire, il y a ceux qui animent, les banques, et ceux qui y participent, les clients. La barque est la même pour tous, et la couler emporte certes l’équipage, mais aussi les passagers. Bien-sûr qu’il faille que les choses changent, que la dérégulation ne puisse être seul à bord, car il est vrai que les erreurs commises ne sont pas suffisantes pour enseigner aux principaux acteurs qu’une éthique est nécessaire. Mais qui peut réguler si ce n’est le politique, notamment de part sa légitimité en tant qu’élu du peuple. L’adulation par contre doit rester dans le milieu du spectacle, et non servir une entrée dans le débat public. Elle ne permet pas tout, surtout pas à donner des leçons de contestation, balayant au passage le travail des partenaires sociaux qui, quoiqu’on en dise, quelque soit la couleur politique, participe du dialogue social. Eric Cantona lui ne dialogue pas, ni ne propose ; il ne joue plus avec le ballon pour donner du rêve, mais joue dangereusement de son image pour promettre le cauchemar.