17 Août 2014
Il n'est pas de témoin plus intraitable que ce miroir sans prétention, un simple cadre et une glace servant sa toute puissance. On ne négocie pas avec son reflet, tout juste cherche-t-on à s'arranger avec une apparence. Peine perdue, le fard n'y peut rien. Un miroir trouve toujours le trait qui inquiète. La cosmétique et autres arrangements font pâle figure quand un visage est capturé par son image. Même si rien n'oblige à se poster devant son reflet, on s'en trouve pourtant comme happé. L'attraction est une main que nous tend un miroir et que nous ne refusons pas. Mais cette main très vite se transforme en une griffe, nous enserrant jusqu'à ce que le miroir, dépouillé de toute utilité, prenne possession de nous. Le miroir n'est pas un objet ordinaire. Sa simplicité le rend indestructible. Brisé, il n'en finit pas de refléter. Cassé, il se fait oracle en présageant le malheur à celui qui le renversa. Un miroir révèle tout en ne disant rien. Aucun secret, glissant sur sa glace, ne peut s'y accrocher. Il fait du moindre des regards un magistrat. La beauté et la laideur ne le concernent pas puisque toutes deux sont dans les têtes, pas sur les visages. Malgré tout, on l'invoque, on le supplie, de donner une image qui ne soit pas la nôtre. Le miroir, avec toute sa neutralité, sa brutalité, est le siège des illusions. Face à face, deux miroirs créent de l'infini. Et un seul suffit pour s'y perdre.