Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous
8 Août 2014
A quoi penses-tu ? Voilà bien une question des plus embarrassantes. Ce n’est pas tant l’indiscrétion qui crée la gêne, comme s’il s’agissait de protéger des pensées secrètes d’une interrogation que l’on jugerait par trop intrusive. Non, l’embarras ici n’est pas une posture, mais la conséquence d’un silence qui s’impose. Nous sommes très souvent incapables de dire à un instant donné à quoi l’on pense. La question posée, on est pris en défaut et l’on se surprend soi-même d’être si peu bavard à propos de ce qui nous touche le plus profondément. Est-ce à dire qu’on ne pense à rien ? Certainement pas. Sommes-nous fou alors ? Encore moins, puisque le fou, lui, sera tout à fait en mesure de soumettre le fond de sa pensée, aussi incohérente soit elle. C’est d’ailleurs là son problème que de s’enfermer dans des représentations qui jamais ne s’épuisent. Parce qu’en effet, la vie de l’esprit est d’autant plus saine que la pensée est chaotique. Celle-ci est un flux, un courant, sans fin ni direction, qui ne supporte guère d’être interrompu sauf à provoquer des troubles. Il n’est pas bon que l’esprit soit le siège d’une seule pensée. L’obsession y creuse alors son sillon, ou encore les manies s’emparent du quotidien. Bien entendu, la pensée se pose lorsque la réflexion l’exige. Mais c’est là une pause, elle ne s’arrête pas. La pensée marque en quelque sorte un territoire, avec des idées, puis s’en va, sauf à tenter d’y camper trop longtemps, ce qui fait les esprits obtus. Les idées en général vieillissent mal, elles finissent en certitudes. Il est nous cependant impossible de ne pas réfléchir et donc de risquer que la pensée reste accrochée à ce qu’elle produit au lieu de s’écouler sans contrainte. Même l’idiot n’y échappe pas. Nous pouvons toutefois ne pas trop réfléchir et s’abandonner plus aisément au chaos d’une pensée torrentielle. Le bien-être préfère la marée à la digue.