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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

L'amour-propre est une déviation de l'amour de soi

Amour-propre.jpgUn des préceptes chrétiens est d’aimer son prochain comme soi-même. Adam Smith, dans sa Théorie des sentiments moraux, renverse l’adage. Selon lui, il s’agit avant tout de s’aimer comme l’on aime son prochain. Pourquoi ce renversement ? Comme Rousseau, Smith pense que l’homme est animé par l’amour de soi. Mais personne n’est seul. Chacun communique avec d’autres, et cette communication est possible, sans violence, grâce à la sympathie. Celle-ci est un affect consistant à partager d’autres affects, voire leur mise en commun. La sympathie n’est cependant pas fusionnelle, ni passionnelle. Elle ne dissout pas l’identité. Il y a de toutes les façons une barrière infranchissable dans toute relation empêchant que toute conscience puisse être pénétrée dans sa totalité par une autre. La sympathie n’en est pas moins une proximité entre deux êtres, une reconnaissance par l’un de ce que ressent l’autre, et inversement, simultanément. Cette simultanéité est peut-être ce qui différencie d’ailleurs la sympathie de la piété, comme de la compassion. En étant sympathique, chacun règle son tempérament en ayant le souci d’autrui. La sympathie est également un engagement émotionnel réciproque produisant un accord des parties. Elle joue donc un rôle régulateur qui n’est pas des moindres en matière de rapports sociaux, en demandant à chacun de se positionner vis à vis de l’autre et donc à se déterminer en conséquence. En effet, comme toute fusion des individus est impossible, il s’agit pour les uns et les autres d’imaginer ce qui peut être ressenti par celui ou celle qui se trouve devant soi. Et cet exercice d’imagination se fait dans une sorte de mimétisme collatéral. La sympathie ainsi est un point de rencontre de deux ou plusieurs attitudes visant chacune une entente affective, car l’on connaît tous le plaisir que procure cette entente. Il faut donc chercher la rencontre pour le plaisir, avec cet effort de se définir en visant l’autre. Il s’agit de s’aimer soi avec autrui, et non contre lui. Par contre, dès que l’amour de soi ne se lit plus dans les yeux de l’autre, dès qu’il ne se comprend plus avec cet autre donc, c’est qu’il s’est perdu dans l’amour-propre, car l’homme ne se déteste jamais totalement. Même le suicidé pense à lui lorsqu’il accomplit son geste fatal, le faisant dans le but de mettre fin à ses souffrances. L’amour-propre est égocentrique. Il refuse que l’identité puisse être commandée par autrui. L’amour-propre est une déviation de l’amour de soi, en happant toutes les attentions pour les ramener à soi, négligeant autrui pour ce qu’il est, mais pas pour ce qu’il peut rapporter. C’est ainsi que l’amour-propre autorise toutes les violences.

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