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1 Décembre 2016
Les actionnaires, à l’instar de députés de la majorité, seraient-ils devenus des frondeurs en manifestant leur désaccord à propos de la rémunération de leurs dirigeants ? Par le passé, les salaires de l’exécutif opérationnel ne sortaient guère des conseils d’administration feutrés. Mais depuis 2014, les entreprises adhérentes au Medef sont tenues de pratiquer le « say on pay », soit de demander aux actionnaires leur avis à propos de la rémunération des dirigeants. Il s’agit là uniquement d’un vote consultatif, les administrateurs restant les seuls décideurs sur ce point. La directive initiée par le syndicat patronal est certes une démarche intéressante en obligeant les grandes sociétés à plus de transparence. Mais compte tenu des niveaux astronomiques, pour ne dire scandaleux, de certaines rémunérations allouées, la transparence ne suffit pas toujours. A l’évidence, le recours à la loi apparaît nécessaire. Dans cet esprit, il serait peut-être temps de changer un point clé de gouvernance des grandes entreprises, à savoir donner aux actionnaires, et non plus aux seuls administrateurs, le soin de décider des salaires à verser au dirigeant.
Même si la loi impose un cumul des mandats, il n’est pas rare de retrouver les mêmes personnes dans différents conseils d’administration des principales sociétés cotées en Bourse, siégeant dans certaines entités, appartenant à l’exécutif dans d’autres. Autrement dit, un administrateur dans telle société peut décider de la rémunération d’un dirigeant, lequel dans une autre entité sera décideur du salaire de l’administrateur en question puisqu’à son tour membre de l’exécutif. Ainsi, des situations de conflit d’intérêt sont toujours possibles si c’est entre-soi que sont fixés les salaires des grands patrons. Le code de gouvernance émis par le Medef va certainement dans le bon sens, pour preuve la rémunération des dirigeants n’est plus seulement une simple formalité entre personnes averties, en étant projetée sous les feux de l’actualité. Mais le droit est nécessaire pour éviter à l’inverse de tomber dans des travers populistes. Il n’est pas anormal qu’un dirigeant est un niveau de rémunération conséquent compte tenu de la responsabilité qui est la sienne sur la marche générale de l’entreprise. Mais encore faut-il que son salaire soit véritablement indexé sur cette responsabilité, ce qui n’est pas toujours le cas. Certaines pratiques sont révoltantes au regard des niveaux de salaire et autres avantages de type « parachute doré » dont les sommes en jeu sont indécentes.
Les actions de performance pensées par Emmanuel Macron et inscrites dans la loi éponyme ont très vite reçu la faveur de certains grands groupes pour remplacer les fameuses stock-options devenues bien moins intéressantes une fois fiscalisées comme du salaire. Cette disposition cependant apparaît comme un nouvel avantage allouable au grand patronat sans guère de contrepartie. Même si y est accolé le terme de performance, ce type d’actions correspond bien plus à une ponction sur le capital existant qu’à une rémunération indexée sur les résultats. Au moins, avec les stock-options, le dirigeant était personnellement concerné par la situation financière de la société puisqu’il tirait sa rémunération en revendant les titres de la société lui appartenant une fois le cours de bourse supérieur au prix d’exercice des options. Les actions de performance sont elles attribuées gratuitement au dirigeant, d’où une plus value latente sans condition. Les actionnaires auront manifestement encore de quoi afficher leur mécontentement dans les années à venir.