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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Petit cours de philosophie - Chapitre XV - La morale, les sens et la raison

Morale-raison-sens.jpgLa morale correspond à ce qui est à faire, mais aussi à ce qui devrait être fait. Ainsi, tout en étant d’actualité, elle appartient au possible. Elle n’est jamais figée dans le marbre, même si la loi se charge de l’écrire pour partie. Cette écriture d’ailleurs n’est pas un gage absolu de moralité, la loi pouvant être immorale. Il existe donc autre chose qui donne à la morale toute sa valeur et la légitime pour chacun la respecte. Mais pour respecter, encore faut-il connaître. Qu’est-ce qui donc fondent les connaissances morales ? Les sens ? La raison ? Les deux ?

 

 

L’expérience sensible sert la morale et la raison la justifie

 

La sensibilité est suffisante pour apprendre les règles et conventions sociales qui régissent les relations entre individus. Il suffit d’être immergé dans une communauté, de voir, sentir, écouter, pour connaître ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l’être. Les règles sont un corps instruit par le discours, selon une démarche traditionnelle. La morale s’inscrit donc dans le champ de la connaissance par ouï-dire pour ce qui est de la façon de se comporter en société, en livrant notamment les sanctions prévues en cas de non-respect des règles ainsi reçues. Mais ce mode de communication n’est pas suffisant pour démontrer ce que la morale, ainsi édictée, a de respectable et de suffisamment fort pour être partagée par tous. En effet, l’expérience sensible ne fournit pas la nécessité d’une règle. Elle informe juste quant à son respect. C’est la raison qui permet d’identifier ce qu’il y a de nécessaire dans la morale et donc de la considérer comme un devoir, et non comme une contrainte. Derrière cette appréciation, il est question de liberté. Une contrainte est nécessaire parce qu’elle est imposée par la force. Le devoir lui est une nécessité morale, librement acceptée, qui exclut tout faire-valoir personnel motivé par des enjeux strictement privés. La morale n’a ainsi de valeur que si elle est désintéressée et indépendante. Autrement dit, elle est fondée sur une nécessité absolue, qui se suffit à elle-même et qui consiste à faire d’une façon parce qu’il faut le faire, et non parce qu’il est question d’atteindre un but fixé préalablement. Cette nécessité doit cependant être démontrable pour être respectée et applicable par tous, ce qui induit une intervention de la raison pour bâtir cette démonstration.

Pour autant, peut-on exclure définitivement les sens à propos de la légitimation de la morale ? Ne pourraient-ils pas être les premiers instructeurs concernant la nécessité attachée au devoir ? La raison ne serait-elle pas qu’une transcription sous une forme langagière de ce que la sensibilité sait déjà ?

 

L’instinct moral, ou la différence entre la joie et le bonheur

 

Comme Leibniz, on peut penser que l’instinct, avant la raison, pousse l’homme vers ce qu’il doit faire, notamment pour ce qui est de sauvegarder l’espèce. La nature serait ainsi en adéquation avec l’action morale. Sauf qu’elle n’est certainement pas suffisante. En effet, tous les hommes n’ont pas les mêmes instincts, ce qui laisse supposer que la poussée naturelle vers le bien n’est pas universelle. Ensuite, la bonne volonté, même si elle anime régulièrement notre esprit, n’est pas toujours constante. Enfin, l’instinct n’est pas déterministe : l’intention de bien faire n’indique pas comment procéder. Il faut donc quelque chose en plus, c’est-à-dire la raison. Pour illustrer cette proposition, prenons la différence entre la joie et le bonheur. La joie est ce que tout homme par nature recherche. Il s’agit d’une inclination forte, capable d’influencer le sujet dans ses choix. Mais elle est aussi un sentiment, une manifestation d’un état intérieur, et non une sensation instruisant sur l’extérieur. De plus, elle est particulièrement attachée au présent. Le sujet, en éprouvant de la joie à un instant précis, ne peut que s’attrister qu’elle disparaisse le moment suivant, et donc espère qu’elle ne cesse jamais. Mais ce projet n’étant pas durable, la joie ne peut servir de guide pour mener son existence. Par contre, le bonheur est plus consistant, en tant qu’idée d’une joie renouvelée, s’inscrivant ainsi dans le temps, orientée vers l’avenir. Or, comme l’écrit Leibniz, « c’est la raison qui porte à l’avenir et à la durée ». Le bonheur est déjà une étape supplémentaire vis-à-vis d’un simple penchant. Il est un travail de la réflexion en rapportant l’expérience de la joie sur un horizon affranchi du présent. Seulement, il est également insuffisant sur le plan moral, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, ce qui est bonheur pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre, ou peut l’être à son détriment. Ensuite, le bonheur peut être perçu comme tel à un moment donné, puis de façon très différente ultérieurement, voire même ne plus être considéré du tout. On peut aussi aller jusqu’à penser que le bonheur porte sur ce dont on ne jouit pas, ce qui le rendrait ainsi insaisissable. Difficile dans ces conditions d’en faire un impératif moral. C’est donc bien la raison, en supervisant l’inclination, qui détient le dernier mot quant à la détermination du devoir.

 

 

La connaissance morale ne nous est pas fournie par les sens. Tout au plus l’homme est sujet à des inclinations, mais celle-ci ne sont pas suffisamment déterministes et résistibles pour constituer le socle d’une morale exigeante et applicable à tous. Et la valeur morale, celle qui se fonde sur une nécessité absolue, sans contrainte, non relative à des intérêts personnels, n’est reconnaissable que par la seule raison, au-delà des habitudes et des mœurs, car ce qui est admis n’est pas toujours admissible sur le plan éthique.

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