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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Les philosophes : Epicure et Lucrèce - Des libérateurs

Epicure.Lucrece.jpgEpicure, puis Lucrèce son disciple, furent les premiers à présenter la philosophie comme un remède aux maux existentiels. Selon eux, la démarche philosophique conduit le penseur vers une destination emplie de sagesse où s’exprime le bonheur. Pour parcourir ce chemin, il convient avant toute chose de se débarrasser des peurs qui nous tiraillent et qui pourtant ne sont que le fruit de notre ignorance. Le maintient de la conscience humaine dans des contrées ténébreuses seraient la résultante à la fois d’une imposture manifeste et d’un effroi irraisonné. En effet, les deux philosophes estiment que la tromperie collective est entretenue par la religion. Il n’est pas encore question à cette époque de dénoncer le détournement par certains de la pratique religieuse à des fins personnelles, dans l’intention d’asseoir leur pouvoir. Epicure ne prétend pas non plus que les dieux n’existent pas. Ils supposent d’ailleurs qu’il s’agit d’êtres dont les attributs peu ordinaires signent toute leur singularité. Ces entités divines ont certes leur place dans le monde, mais en aucun cas ils n’en sont les créateurs et donc ne peuvent revendiquer quelques droits vis-à-vis des hommes. Il est donc inutile de s’astreindre à gouverner sa vie dans le respect de dogmes théologiques compte tenu qu’aucune prérogative ne saurait en légitimer leur portée. La vénération, le culte et les offrandes ne seraient donc que des manifestations tendant à circonscrire l’individu dans l’illusion et l’empêchant de s’extérioriser vers l’appétence.
Secondement, la condition humaine et surtout son interprétation attise le mal-être de chacun. La finitude, qui conclut notre présence terrestre, est une source d’angoisse continuellement présente, se manifestant avec plus ou moins d'intensité à différentes occasions, comme cette ombre apparaissant une fois la lumière venue alors que celle-ci ne nous a jamais abandonnée. Face à cette évidence anxiogène, Epicure, relayé dans ses écrits par Lucrèce, confronte la matière qui compose le corps humain. Nous ne sommes qu’un assemblage d’atomes initialement séparés et qu’une déviation, selon la terminologie employée par Lucrèce pour expliquer le commencement du monde, les a fait s’entrechoquer pour qu’apparaisse la vie. L’homme est ainsi une composition physique, certes dotée d’une conscience mais celle-ci, une fois disparue la mort venue, ne sera jamais témoin du néant. La démonstration est identique si l’on se positionne avant la naissance, lorsque l’esprit est inexistant pour développer une quelconque idée du vide. Ainsi, particules nous fûmes, particules nous serons, et dans cet intervalle profitant du temps qui nous est donné.
Une fois libéré de l’emprise des croyances et de la crainte du dernier soupir, le bonheur n’est plus ce cheval sauvage fuyant lorsque nos pas se tournent dans sa direction. Il s’agit alors, pour le dompter, de goûter au plaisir. Mais attention à ce que la monture ne s’emporte pas jusqu’à nous désarçonner et ainsi nous jeter dans l’insatiabilité. Le plaisir, comme le préconisent Epicure et Lucrèce, ne doit être que le ressenti d’un besoin satisfait, et non une quête toujours croissante pour répondre à nos désirs. La satiété, qui est un état du bonheur, sera d’autant plus accessible que nos envies seront maîtrisées et ainsi modestes. Le toujours plus est à bânnir de notre mode de vie car il n'est que le portefaix des frustations. Lucrèce pousse d'ailleurs son raisonnement jusqu'à déconseiller le sentiment amoureux qui selon lui est vecteur de passions, et ainsi de déceptions lorsqu'elles ne sont pas partagées. Par prudence donc, ne succombons pas à la ferveur des sens mais limitons-nous aux relations purement physiques. De ce principe, le libertinage du XVIIIème siècle en sera le parfait exécutant.
Compte tenu de la nature de ses écrits, Lucrèce inspira la méfiance, voire l'hostilité de ses contemporains à son égard. En effet, la théogonie était fortement ancrée dans la culture romaine. Face aux observations athéistes émises sous une forme poétique, les romains se désintéressèrent de Lucère de façon ostentatoire. Le philosophe sera encore moins considéré lorsque le christianisme sera en plein essor. Il faudra ainsi attendre Montaigne pour le réhabiliter et le siècle des Lumières pour le consacrer.
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