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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Cycle sur Nietzsche - La souffrance, le plaisir sexuel...et le fascisme

Nietzsche-souffrance-fanatisme.jpgL’homme cherche avant tout, par réflexe dirons-nous, à éviter une chose, c'est-à-dire souffrir.  Et pourtant, Nietzsche nous apprend que la souffrance et la jouissance sont de la même famille, que le plaisir et la peine sont des oscillations d’un seul et même état, c'est-à-dire soi.  Autrement dit, on ne peut jouir que parce qu’il existe de la souffrance. Le bonheur sans son contraire serait vide de toute joie. Ainsi, la souffrance, comme le bien-être, n’ont pas à entrer dans une quelconque chaîne de valeurs. C’est la vie qui s’exprime à travers la passion, le sentiment, la sensation. Tenter de se préserver de toute blessure conduit à réduire tout autant la voie vers le plaisir. Pour Nietzsche, bienfait et déplaisir sont liés : « Et si plaisir et déplaisir étaient liés par un lien tel que celui qui veut avoir le plus possible de l’un doive aussi avoir le plus possible de l’autre, - que celui qui veut apprendre l’ « allégresse qui enlève aux cieux » doive aussi être prêt au « triste à mourir » (Le Gai Savoir – Nietzsche). Fuir absolument tout risque de douleur ne nous condamne pas seulement à rétrécir notre champ de joie, mais également l’expérience, donc l’apprentissage de soi. Les peines, comme les joies, nous guident dans notre existence.  Ce qui ne signifie pas qu’il faille intentionnellement approcher la douleur. Mais Nietzsche nous avertit que pour être heureux, il faut admettre que le malheur n’est pas exclu du chemin qui nous mène à la satisfaction. La douleur et la volupté sont les faces d’une même pièce et ainsi, elles ne peuvent se passer l’une de l’autre. Elles agissent seulement à des instants différents, mais leurs actions combinées conduisent à plus d’intensité. Nietzsche compare d’ailleurs cette alternance au plaisir sexuel : « Il y a même des cas où une espèce de plaisir dépend d’une certaine séquence rythmique de petites excitations douloureuses : c’est ainsi qu’une croissance très rapide du sentiment de puissance et de plaisir est atteinte. C’est par exemple le cas du chatouillement, ainsi que du chatouillement sexuel du coït ; nous voyons là la douleur agissant comme un ingrédient du plaisir. Il semble qu’une petite inhibition y soit surmontée, immédiatement suivie par une autre inhibition à son tour surmontée aussitôt – c’est ce jeu de résistance et de victoire qui excite le plus vigoureusement le sentiment global de puissance excédentaire et superflue qui constitue l’essence du plaisir » (Fragment posthume de 1888 – Nietzsche). La relation sexuelle en effet va de la jouissance à l’insupportable. Il n’est plus possible de poursuivre l’acte une fois l’orgasme atteint.

 

Ainsi, l’homme ne peut se soustraire de toute souffrance. Il est même prêt parfois à l’accepter, voire la provoquer. Qu’est-ce qui peut donc motiver l’être humain à souffrir dans certaines circonstances ? Le sens, nous répond Nietzsche. Autrement dit, le sujet accepte de souffrir parce que la douleur a un sens. Elle lui permet, soit de parvenir à autre chose qui le mettra en joie, soit de se connaître. La souffrance ne se pose donc pas comme un problème en tant que tel. C’est bien plus l’absence de sens qui affaiblit : "  […] mais la souffrance-même n’était pas son problème, son problème était l’absence de réponse au cri d’interrogation : « La souffrance, pourquoi ? » L’homme, l’animal le plus courageux et le plus exercé à souffrir, ne refuse pas la souffrance ; il la veut, il la cherche même, pourvu qu’on lui montre le sens, le pourquoi de la souffrance » (La Généalogie de la morale – Nietzsche). En effet, l’homme naît sans consigne, ni boussole.  L’unique horizon qui se présente à lui, c’est le devenir, soit le fait d’évoluer, d’avancer, et cela sans qu’aucun but ne soit inscrit. Il y a de l’absurdité dans cette perspective, mais pour Nietzsche, elle constitue la seule réalité. Pour certains, cette idée est insupportable. Il faut à tout prix qu’un idéal se présente à soi pour donner du sens à l’existence, préciser l’orientation à donner à sa vie. Nietzsche considère ainsi que le nihilisme crée les propres conditions de son discrédit, c'est-à-dire la création d’arrières-mondes représentés par un au-delà gouverneur de l’existence humaine, supplantant le réel et considérant toute lucidité comme blasphématoire : « Etant donné ces deux vérités, à savoir qu’on n’atteint aucun but à travers le devenir et qu’il n’y règne aucune grande unité qui permettrait à l’individu de s’y plonger complètement, comme dans un élément de suprême valeur : il ne reste comme échappatoire que de condamner intégralement ce monde du devenir comme une illusion et d’inventer un monde qui se trouverait au-delà de celui-ci et qui serait le monde vrai » (Fragment posthume de 1887-1888 – Nietzsche). Pour Nietzsche, la religion, tout comme la métaphysique et la politique, sont illusoires, mais on leur cède le statut de vérité pour mieux cacher ce vide qui jamais ne nous quitte. L’homme est en effet l’unique être qui porte en lui l’absurdité du monde car il est le seul capable d’en mesurer toute l’étendue, et de tout tenter pour s’en préserver. Mais au lieu de se réfugier derrière des promesses mensongères dont les idoles usent aisément, Nietzsche préconise de se fixer soi-même ses buts pour ainsi trouver un sens à sa vie. Il s’agit pour lui bien plus d’une question de volonté, d’autonomie, que d’accepter un palliatif présenté comme le remède contre l’horreur de la condition humaine. Celui qui se complaît dans le nihilisme est surtout quelqu’un qui, dans son incroyance, manque de force pour croire à sa capacité de créer lui-même du sens. Dès lors, soit il s’inscrit dans la négation permanente et s’isole d’autant en conséquence, soit il accepte que d’autres lui dictent sa voie. Ainsi, du nihilisme au fascisme, il n’y a parfois qu’un pas à franchir pour s’abandonner tout entier à des idéologies inacceptables : « J’ai connu des cas où des jeunes hommes d’origine respectable, qui pendant longtemps ne savaient pas donner un but à leur vie, disparaissent à la fin dans des mouvements franchement malpropres – juste parce qu’ils leur offrent un but …Certains, par exemple, deviennent même antisémites… » (Fragment posthume de 1888 – Nietzsche). Le fanatisme, tout comme la foi religieuse, sont pour Nietzsche un aveu de faiblesse chez tous ceux qui y adhèrent. En qualité de représentant de l’humanité, l’homme est bien plus ce qu’il est dans la création que dans l’obéissance.

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S
<br /> C'est une évidence, le fanatisme ou l'admiration d'un Dieu empêche de créer et de penser, dans la mesure ou le cerveau a accepté les préceptes de l'objet de son admiration.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Tout à fait d'accord avec ce grand philosophe.Moi,je dirai que,on cherche le plaisir pour éviter de tomber dans la souffrance...<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Whouai c'est ce qu'on appelle le masochisme pour la première partie. Pour la fin, un proverbe illustre bien ça: l'osiveté est la mère de tout les vices donc quand on à rien à faire, pourquoi ne pas<br /> virer à l'extrémisme pour s'occuper? Dans les pays ou les hommes n'on rien à manger ou boire les psy n'existent pas!<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Merci pour cet article d'approche plus facile.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Point de vue interessant mais critiquable ...<br /> <br /> <br />
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