29 Novembre 2016
La croissance économique est comme l’argent, elle ne fait pas le bonheur mais elle y contribue. C’est dans cet esprit qu’il est possible de réfléchir sur le lien entre performance économique et bien-être et ensuite d’en proposer une mesure. Le Produit Intérieur Brut (PIB) est toujours depuis 1945 l’indicateur phare et sert désormais d’étendard à l’action politique en général. Pourtant, on entend ici et là des voix réclamant sa réforme. Accorder au PIB l’exclusivité du sens économique et en faire le déterminant de la politique revient à penser qu’une population est heureuse parce que son économie croît sensiblement. Affirmer ceci est pourtant aussi absurde que de conditionner le bonheur individuel à un compte en banque. Tout le monde dira dans le cas présent que l’argent ne fait pas le bonheur. Cependant, à l’inverse on doute beaucoup plus que quelqu’un puisse être heureux dans le dénuement matériel. C’est ici qu’on pensera que l’argent contribue tout de même à vivre mieux. S’il faut trouver une corrélation entre argent et bonheur, donc entre économie et bien-être collectif, l’exercice semble moins difficile si l’on place la pauvreté en son centre. Que le rapport entre croissance et bien-être soit démontrable dans le cas de l’indigence mais le soit moins dès lors qu’il est question de richesse induit la conclusion suivante : la croissance économique est nécessaire au bonheur sans qu’elle y pourvoit suffisamment. Il faut plus que du développement et de la performance économiques pour que nous soyons heureux. Ce surplus est exclu de la sphère économique. Il serait alors infructueux que de tenter de le mesurer dans une approche exclusivement macroéconomique. Par contre, dire que la croissance est nécessaire au bonheur nécessite de dépasser le seul calcul de la production annuelle et de la valeur ajoutée qui en résulte.
Penser le rapport entre économie et bonheur revient finalement à s’interroger beaucoup plus sur la façon dont est réalisée la croissance économique qu’à se préoccuper uniquement de son évolution. Car en effet, tous les développements économiques ne se valent pas, et cela même si les taux de croissance seraient identiques entre deux économies. A ce titre, intéressons-nous aux inégalités. Il n’est pas incohérent de penser que plus de production ne réduit pas forcément les inégalités. La croissance économique peut être exclusive, et d’ailleurs tirée sa dynamique des inégalités entre catégories sociales. Il n’est pas question ici de refaire la lutte des classes, de verser dans un manichéisme absolu de type marxiste. Mais de dire que la croissance, en plus de n’offrir aucune garantie au bonheur, peut volontairement contribuer au désespoir. Le PIB dans ce cas ne dit absolument rien d’une société de plus en plus malade de sa richesse. Et si, à contrario la croissance est de bonne qualité en diminuant les inégalités dans le respect de l’individu, le PIB n’en dira pas plus. Que l’économie soit profitable à tous ou seulement à quelques-uns, son visage avec le PIB reste identique. Le taux de croissance économique est sans nuance.
Apprécier la corrélation entre économie et bien-être n’a pas de sens s’il s’agit de mesurer le bonheur individuel. Chacun a sa définition du bonheur, c’est une histoire personnelle, presqu’intime. Il serait absurde, voire même dangereux, que de vouloir s’assurer de façon macroéconomique que tout le monde est heureux. Par contre, chacun a droit à sa part au bien-être collectif. L’enjeu de la croissance économique porterait moins sur le bonheur que sur la justice sociale. Seulement cette dernière reste encore trop souvent secondaire dans la mesure macroéconomique. Bien-sûr, on ne tait pas les inégalités. Mais on les traitre différemment selon l’importance qu’on leur donne, et aujourd’hui tout indique avec la prédominance du PIB qu’elles sont au second plan. Certes, un indicateur économique ne solutionne rien. Mais il est tout de même un début pour que les choses changent.