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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

La violence idéalisée par Georges Sorel pour renverser l'ordre établi

Sorel-Reflexions-violence-socialisme.jpgLa violence peut-elle être une source de progrès ? Celle que l’on imagine habituellement comme un foyer destructeur, porterait-elle au contraire une dynamique vertueuse si elle était employée à bon escient ? Sorel, syndicaliste révolutionnaire du XIXème siècle, le pense et s’essaie à rationnaliser sa position dans son essai Réflexions sur la violence. La violence dont il fait la promotion est celle qui serait liée à l’enthousiasme de la classe prolétarienne, par opposition à la bourgeoisie, en réponse également à la crise qui secoue son époque :[…] il faut savoir s’il y a, dans le monde des producteurs, des forces d’enthousiasme capables de se combiner avec la morale du bon travail, en sorte que, dans nos jours de crise, celle-ci puisse acquérir toute l’autorité qui lui est nécessaire pour conduire la société dans la voie du progrès économique […] ». La violence est ainsi au cœur d’un programme visant la fin d’une structure sociale, par le remplacement par une autre considérée par l’auteur comme progressiste. Il est question d’ailleurs de réactiver la morale, de lui donner du contenu pour qu’elle ne soit plus ce qu’elle est devenue, dans un mouvement décadent, soit un réceptacle d’interdictions qui bénéficient à quelques-uns et non à tous : « La morale n’est point destinée à périr parce que ses moteurs seront changés : elle n’est point condamnée à devenir un simple recueil de préceptes, si elle peut s’allier encore à un enthousiasme capable de vaincre tous les obstacles qu’opposent la routine, les préjugés et le besoin de jouissances immédiates. » C’est un grand coup de pied dans la fourmilière que souhaite Sorel. Le temps est venu selon lui d’en finir avec les philosophies et autres inclinaisons réformistes, sans souffle, insuffisamment puissantes pour bouleverser l’ordre établi : « Mais il est certain que l’on ne trouvera point cette force souveraine en suivant les voies dans lesquelles voudraient nous faire entrer les philosophes contemporains, les experts en science sociale et les inventeurs de réformes profondes. Il n’y a qu’une seule force qui puisse aujourd’hui produire cet enthousiasme sans le concours duquel il n’y a point de morale possible, c’est la force qui résulte de la propagande en faveur de la grève générale. » Ainsi, point de progrès sans bouleversement social, pas de bouleversement social sans projet moral, pas de projet moral sans enthousiasme, telle est la logique de l’auteur. Et pour enthousiasmer, il faut rassembler, il faut réunir toutes les individualités disponibles pour en faire une masse prête à l’emploi, ce que la propagande de la grève générale peut atteindre. En outre, cette réunion n’aurait pas pour Sorel que le bénéfice du nombre, elle serait constitutive d’une âme collective transcendant le système bourgeois dont l’auteur prédit la déchéance : « […] j’ai établi, en effet, que la violence prolétarienne a une tout autre signification historique que celle que lui attribuent les savants superficiels et les politiciens ; dans la ruine totale des institutions et des mœurs, il reste quelque chose de puissant, de neuf et d’intact, c’est ce qui constitue, à proprement parler, l’âme du prolétariat révolutionnaire : et cela ne sera pas entraîné dans la déchéance générale des valeurs morales, si les travailleurs ont assez d’énergie pour barrer le chemin aux corrupteurs bourgeois, en répondant à leurs avances par la brutalité la plus intelligible. » C’est ainsi que la violence est légitime pour Sorel lorsqu’elle participe du progrès social, lorsqu’elle est « éclairée par l’idée de grève générale. » Et Sorel de conclure : « Le lien que j’avais signalé, au début de ces recherches, entre le socialisme et la violence prolétarienne, nous apparait maintenant dans toute sa force. C’est à la violence que le socialisme doit les hautes valeurs morales par lesquelles il apporte le salut au monde moderne. »

Georges Sorel est décédé en 1922. Il n’aura pas le temps de connaître ce que la violence idéalisée est capable de produire comme monstruosités, certes dans le respect d’une morale, mais une morale qui parfois déshumanise plus qu’elle n’autorise l’émergence d’un progrès social.

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S
<br /> Bonjour,<br /> C'est dans un contesxte bien particulier et rappelons nous de la violence de la révolution de 1789. Il le savait et je pense qu'il s'en est inspiré. Mais il est vrai que les années qui ont suivies<br /> sa mort ont montré une violence digne de l'horrible et cela semble ne pas s'arrêter.<br /> Comme d'habitude un plaisir de lire vos lien!<br /> <br /> <br />
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