31 Août 2012
Ne confondons par morale et politique, sans pour autant viser leur rapprochement. Déjà, on peut être moralement bon dans un environnement politique détestable, tout comme un Etat de droit garant des libertés et promoteur de valeurs humanistes n’exclut pas l’immoralité. Mais on ne saurait, en politique, s’exonérer de toute morale, prétextant que seul le résultat compte, ce qui est vrai, sans tomber dans le machiavélisme. L’efficacité il est vrai anime l’homme politique, car s’y joue sa place au sein de la société, place au combien particulière compte tenu du pouvoir associé. Mais n’est-ce pas qu’être un homme d’Etat, et cela quelque soit le mandat, national ou local, que d’agir politiquement et moralement ? Peut-on pour autant penser qu’aucun ordre ne subsume l’autre ? La politique ne s’insère-t-elle pas dans la morale, ou alors la morale n’est-elle pas une production, ou dérivée, de la politique ? Ni l’un, ni l’autre dirions-nous. Ordonner politiquement la morale conduit à des systèmes autoritaires niant l’individu pour la constitution d’une entité collective qui certes est un produit culturel, donc humain, mais n’en est pas moins déshumanisée. Quand à ce que ce soit la morale qui dicte l’action politique, la terreur peut aussi l’emporter sur le citoyen, ou la politique devient stérile, ultraconservatrice, parce que le débat n’y a plus d’endroit. Le rigorisme étouffe la dialectique, alors que celle-ci est la respiration nécessaire pour dépasser le choc des passions et des intérêts individuels. Il n’y a donc par un ordre à chercher entre la politique et la morale, mais s’agissant plutôt d’une intersection se créant par la rencontre de deux ordres. Ce qu’admet l’une reste refusée par l’autre, et inversement, mais aucune des deux n’élimine l’autre. L’intersection est dans l’opposition entre politique et morale. Contenir l’une et l’autre nécessite qu’il soit impossible de les rapprocher, ce qui oblige à les confronter. Comme l’écrit aussi Charles Péguy : « La politique est le nom qu’on donne à une série d’opérations où sans cesse les gens ne sont pas seulement les fins dont on se propose le bonheur ou le bien, mais les moyens par lesquels on entend passer ; ce qui implique naturellement que la morale réprouve le mensonge, mais que la politique l’admet ou même y force. »