4 Août 2010
« Quand on croit détenir la vérité, il faut savoir qu’on le croit, non pas croire qu’on le sait ». Cette proposition fût émise par le philosophe français Lequier, penseur du XIXème siècle, par trop méconnu de nos jours et qui cependant inspira bon nombre d’intellectuels, notamment Jean-Paul Sartre. Le conseil n’en reste pas moins d’actualité face à la recrudescence du fanatisme religieux. On pensait que la religion serait définitivement exclue de tout champ politique, notamment après l’annonce de la mort de Dieu et la déconstruction qui s’en suivit. Néanmoins, le dogmatisme n’est pas rompu et certains discours aujourd’hui sont une affirmation de la foi en tant que savoir. Pourtant, que ce qui est su est démontrable. La vérité se fonde sur des preuves, et au sujet de Dieu, nul n’en possède à propos de son existence. Je ne puis prétendre que Dieu existe en tant que sachant. Mais l’inverse est également vrai : il m’est impossible de démontrer objectivement qu’il n’existe pas. On ne peut donc pas savoir si Dieu est ou non. Nous nous trouvons ici dans le domaine de la croyance ou de l’opinion, et non sur le terrain de la connaissance. A ce titre, Kant distingue, dans la Critique de la raison pure, trois niveaux de pensée conduisant à considérer une idée comme vraie. Le premier concerne l’opinion, s’agissant d’une affirmation infondée, tant d’un point de vue objectif que subjectif. Puis vient la foi, ou encore la conviction, qui se suffissent uniquement à elle-même sur le plan subjectif. Enfin, se distingue le savoir, légitime objectivement. Pour ce qui est de la religion, j’ai la foi, c’est-à-dire que je crois au divin ; cette croyance m’appartient. Tout comme je puis avoir la conviction que Dieu est une invention humaine, un concept pour expliquer l’inexplicable, pour contraindre, ou se rassurer. Ainsi, la seule vérité qui vaille concernant Dieu, c’est que personne ne sait s’il existe ou pas. Ceci pourtant n’empêche pas certains d’affirmer que leur croyance est née d’une révélation, et qu’il est donc inopportun de prouver ce qui fût révélé. Cette posture spirituelle n’est guère un sujet de critique dès lors qu’elle se maintient exclusivement sur un plan personnel. Mais s’il s’agit d’imposer à autrui une croyance en la présentant comme une vérité indépassable, l’affaire est toute autre.
Seule une vérité établie permet d’échapper à la violence. On n’assassine pas pour une équation mathématique. Ainsi, l’Inquisition et le Djihad ne sont qu’une confirmation du doute qui entoure les déclarations. Le combat s’éteint face à un fait incontestable. Pour autant, il n’est pas exclu de penser l’inconnu. Toute réflexion d’ordre métaphysique peut permettre, par défaut, de mieux connaître l’existant. Cette pensée, l’agnostique se la refuse. Il ne souhaite pas aller au-delà de ce qu’il lui est possible de connaître, à la différence de l’athée qui ne s’empêche pas de penser l’inexistence de Dieu. L’athéisme est aussi une croyance, mais elle est négative : je crois que Dieu n’existe pas, j’en ai la conviction, sans prétendre qu’il s’agit d’une vérité.