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Les chemins de la culture

Philosophie, économie, politique, littérature, la culture rendue accessible à tous

Le nous pour éviter de se perdre dans le on

Je nous onL’opinion publique est une force qui annihile la personnalité. En se conformant à une idée ambiante, la personne devient individu et participe de l’opinion. La personnalité se dérobe et dès lors le sujet est une unité de plus, s’inscrivant dans un mouvement général qui réduit le particulier à une composante d’un tout. Cette pression de l’opinion apparaît aujourd’hui de plus en plus forte ; les personnalités s’effacent dans la multitude dont la propagation est facilitée par une médiatisation toujours plus croissante des affaires humaines, mais aussi par la mise à disposition dans la sphère privée d’outils de prime abord favorisant la communication sociale. Sauf que la communication est un échange entre deux ou plusieurs consciences individuelles, et non le partage d’une conscience commune et impersonnelle. Ainsi, le risque est de se perdre soi en se faisant le représentant d’une pensée publique dont le contenu ne souffre d’aucune critique. Cette représentation est avant tout le résultat d’une pression sociale à laquelle on ne sait résister. Les autres pensent ainsi alors je m’efface, je pense de même pour que l’on pense tous identiquement. Les autres absorbent le moi pour devenir on, comme le fait remarquer Heidegger dans Etre et Temps : « Cette distantialité inhérente à l’être-avec implique que le Dasein se tient, en tant qu’être-en-compagnie quotidien, sous l’emprise des autres. Il n’est pas lui-même ; l’être, les autres le lui ont confisqué. Le bon plaisir des autres dispose des possibilités. » En s’inscrivant dans la mouvance, les possibilités se resserrent, l’idéal se perd. Il s’agit bien plus de se conformer que d’être, de céder sa responsabilité à la masse et ainsi s’enferrer dans le troupeau. Mais cet attroupement n’est pas une communion. Il ne suffit pas d’être ensemble pour communier. Le je se perds dans la foule et alors plus personne ne se reconnaît. Tout n’étant plus qu’équivalence, il n’est plus possible de se distinguer l’un et l’autre. Il s’agit d’un étant collectif, lisse et sans saveur. Heidegger toujours : « Dans l’usage des moyens publics de transport en commun et dans le recours à des organes d’information (journal), chaque autre équivaut à l’autre. Cet être-en-compagnie fond complètement le Dasein qui m’est propre dans le genre d’être des autres à tel point que les autres s’effacent à force d’être indifférenciés et anodins. C’est ainsi, sans attirer l’attention, que le on étend imperceptiblement la dictature qui porte sa marque. » Se confondant les uns aux autres, la banalité est de rigueur, l’originalité déconsidérée. L’opinion fixe pour chacun des valeurs convenables. L’autonomie intellectuelle, si chère à Kant, fond dans l’infantilisation généralisée. Se démarquer, c’est aussi prendre le risque de l’exclusion et l’homme n’aime pas être seul, car paradoxalement il existe aussi avec les autres. Mais alors, que faire face à ces autres qui à la fois nous dévorent et nous permettent d’exister ? Privilégier le nous à on, privilégier la relation à l’absorption. Chacun doit arriver avec sa conscience, sa personnalité, prêt à rencontrer une autre conscience, avec respect mais aussi détermination, prêt à s’ouvrir sans se fuir, disposé à écouter et non se conformer. Bien-sûr l’exercice n’est pas aisé. Nous avons tous besoin de l’autre, mais qu’il est difficile de rester avec lui. Cette difficulté, dès lors qu’elle n’est pas refusée mais travaillée, est source d’enrichissement. On s’enrichit en effet de ses efforts et cette richesse est d’autant plus belle qu’elle est partagée.

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G
<br /> merci pour cet article , des séances de sophrologies m'ont fait prendre conscience que je ne parlais que comme "on " , une volonté confuse de parler au nom de l'humanité , mais chacun est différent<br /> , je suis je , début de la recherche du dialogue et de la connaissance de l'autre . Tache difficile mais passionnante<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Merci pour cet article. Amicalement Monique<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Merci pour votre article , il souligne un point très important . Évidemment je pense que j'aurais mis le mot "je" plutôt que le mot "nous" ,car il est plus significatif ,il me semble . Quand je dis<br /> ou écris : "Je pense que.." c'est bien moi qui exprime cela et non un tel ou untel , j'assume ma pensée ,même et surtout dès lors qu 'elle n'émane pas forcément d'un "nous" mais bien de moi ,du<br /> plus profond de ma sincérité,de ma conscience .<br /> <br /> <br />
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