15 Août 2010
Le souverain bien est ce que l'on désire par dessus-tout. Il est une fin qui vaut par elle-même, et non un moyen poour atteindre autre chose. Aristote le définissait ainsi : « Si donc il y a, de nos activités, quelque fin que nous souhaitons par elle-même, et les autres seulement à cause d'elle, et si nous ne choisissons pas indéfiniment une chose en vue d'une autre, il est clair que cette fin ne saurait être que le bien, le souverain bien » (Aristote – Ethique à Nicomaque). Selon cette définition, le souverain bien présenterait un caractère d'absolu : il satisfait un désir qui ne demande rien d'autre que lui-même. C'est le point de concentration de tous nos actes. Toutes nos actions concourent à sa réalisation, en tant que fins qui ne sont que des moyens de l'atteindre. Ainsi, le souverain bien est ce qui nous guide, nous pousse à agir dans telle ou telle direction. Il est le fondement d'une façon de se comporter, d'une éthique. Il commande en quelque sorte ce que nous avons à faire. Mais quel est son contenu ? Qu'est-ce qui peut valoir tout notre engagement, qui puisse être une fin indépassable ? Aristote livre également une réponse à ce propos : le bonheur. D'autres penseurs répondent différemment : le plaisir pour les épicuriens, la vertu pour les stoïciens. Ces trois propositions ne s'opposent pas pour autant. Elles sont aussi constitutives par leur réunion d'une doctrine, l'eudémonisme : le bonheur est ce que l'homme recherche par dessus-tout, et le plaisir et la vertu lui sont indissociables. En effet, le bonheur ne saurait exclure le plaisir. On imagine mal qu'il soit désagréable. Et le bonheur est une vertu, tout comme la vertu conduirait au bonheur. Sauf que les Modernes, dont Kant, critiquent cette fusion entre bonheur et vertu. Il ne s'agirait pas d'un ensemble unique, mais d'une association, et comme toute association, rien ne la garantit. Le bonheur peut ne pas être vertueux, tout comme la vertu ne conduit pas systématiquement au bonheur. Ainsi, le bien n'est pas irrémédiablement la fin de tout, comme le pensait Aristote, et si tel n'est pas le cas, alors le souverain bien n'est plus.