22 Juin 2011
L’homme est un être artificiel dans le sens où son humanité est acquise et non innée. Rien de naturel à être humain. On devient homme et ce grâce à la culture. Laissez un petit d’homme sans la moindre attache culturelle, sans aucun ancrage social, seul donc avec la nature, il se confondra avec cette dernière. Certes, ce qui a permis sur un plan physiologique à l’homme de devenir ce qu’il est, soient le cerveau et la main, sont bien d’origine naturelle. Mais justement, l’homme est devenu humain. Il n’en est pas resté au stade initial qui était le sien avant que de créer l’histoire. De la nature, il s’est extrait parce qu’il lui fallait survivre, un mobile évidemment commun à toutes les espèces vivantes, mais les conditions de sa survie lui imposaient de dépasser sa condition innée. Sans fourrure, ni défense, l’instinct ne lui suffît pas. La nature est certes à l’origine de tout, donc du corps, mais l’humanité est bien en rupture avec elle. L’homme s’est ainsi créé un monde en s’appropriant symboliquement, avec le langage, le réel. Ce monde, il l’a aussi aménagé, avec le travail, la technique, pour qu’il lui corresponde au mieux. La transformation du réel est affaire de correspondances entre l’homme et son environnement. Ce monde enfin, l’être humain lui donne du sens. Que ses observations ou contemplations lui laissent entrevoir le chaos ou alors une machinerie des plus complexes, les choses ont besoin de sens pour être supportables. Ainsi, du fait de son intellectualité, de par sa capacité à se projeter dans le temps et dans l’espace, l’être humain ne peut rester à l’état naturel. Paradoxalement, il lui faut ordonner ce qui ne l’est plus depuis qu’il s’est détaché de sa condition originelle. La société est la résultante de cet ordonnancement impérieux. Avec la société, l’humanité se perpétue, comme les animaux le font dans des formes d’organisation instinctive. Nous sommes il est vrai, comme tout espèce animale, des êtres reproductibles. Mais notre reproduction se prolonge avec la transmission. L’animal lui ne transmet rien. Voilà aussi ce qui nous distingue dans le monde des vivants. L’homme n’est pas seulement un patrimoine génétique transmissible de génération en génération. La culture s’y ajoute et parce qu’il s’agit d’un ajout, je la considère comme rompant avec la nature. Je pense ainsi que l’homme est seul au monde avec lui-même, et que cette solitude est la condition de sa liberté.