Dépasser sa condition d'être humain pour plus d'humanité

Existe-t-il une nature humaine ? L’homme, on le sait, n’est pas un animal, parce que l’on ne naît pas homme, on le devient. La bête, elle, dès son premier cri, est ce qu’elle sera. La seule évolution qu’on peut lui prêter tient sur un plan physiologique. Elle vieillit. Ainsi, l’être humain et l’animal se rejoignent dans la finitude. Donc si l’homme est avec le devenir, doit-on considérer que notre humanité n’est nullement inscrite dans notre état initial qui de fait est naturel ? Répondre dans l’absolu que non serait dangereux. En effet, qu’en serait-il de la reconnaissance du nouveau-né ? Serait-il à considérer comme un être inférieur parce que de prime jeunesse ?  Nous sommes tous à notre naissance des êtres humains. Mais il est certain que l’humanité s’acquiert aussi, avec la culture. Celle-ci d’ailleurs est impérative pour devenir homme. Nous n’avons pas d’autre choix que de se transformer en un être culturel. Ceci pour autant ne signifie pas être cultivé ; au minimum sommes-nous civilisé avec la nécessité sociale. L’homme naturellement dépourvu de toute spécialité instinctive a été contraint de se réunir et de déterminer les conditions et règles de cette réunion. C’est ce qui nous différence des communautés animales dont l’organisation est radicalement instinctive et où toute individuation est exclue. La culture nous est donc destinée. Il n’y a ainsi guère de morale à retenir quant à vivre de façon civilisée. Kant à ce propos nous dit que la culture nous est « extorquée pathologiquement ». Rien d’honorant donc ! Cependant, la culture n’est pas qu’un fait social. Il existe aussi une autre culture, celle qui fait de celui qui la détient un être cultivé. Cette culture-là s’appréhende bien plus dans une dimension humaniste. On se cultive pour être plus qu’un être social et civilisé. La culture qui permet ce dépassement est avant tout une ouverture sur l’étrangeté. Socialement, nous sommes en effet contenus dans un groupe dont le caractère identitaire bien souvent s’établit par différenciation, voire par opposition, avec un autre groupe. Se cultiver, c’est franchir des frontières, que ce soit au niveau spatial ou spirituel. On sait aussi voyager avec l’esprit. Ainsi, l’homme qui se cultive accroît son humanité en tendant vers l’universel. Son positionnement social n’est pas pour lui une fin, mais un moyen. Il y a de l’honorabilité dans l’intention d’être toujours un peu plus que soi, d’être un peu plus humain. Etre cultivé consiste alors moins à posséder des connaissances que de tendre vers plus que soi-même et ce quel que soient son degré d’intelligence et les contraintes sociales qui pèsent sur soi. Etant par nature un être humain, dépasser cette condition accroît toute humanité.