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30 Novembre 2016
Le shadow banking qui caractérise le monde des banques dites parallèles, est un sujet particulier du débat économique compte tenu du caractère fantomatique qu’on lui prête volontiers et qui n’exclut pas nombre d’extrapolations proches du fantasme. Il repose pourtant sur des techniques bien réels de financement et suffisamment structurantes pour la constitution d’un circuit financier distinct des banques traditionnelles. En outre, les sommes en jeu n’empruntent rien à l’imaginaire, représentant environ 80 000 milliards de dollars d’actifs financiers. Le shadow banking n’est donc pas un épiphénomène, il s’est fortement développé ces dernières années pour devenir une composante à part entière de la finance mondiale.
Le shadow banking par nature est difficile à cerner. Il concerne cependant pour l’essentiel les Fonds Communes de Titrisation (FCT). Pour bien comprendre le shadow banking, il est impératif de savoir ce qui le nourrit : la titrisation. Elle est une technique financière permettant à un établissement bancaire de vendre des crédits à une entité créée pour l’occasion, le FCT, laquelle émettra des titres qui seront souscrits par des investisseurs généralement institutionnels, comme les compagnies d’assurance. Les souscriptions versées au FCT lui permettent ainsi de payer les crédits cédés par la banque, cette dernière récupérant donc des liquidités. Autrement dit, l’établissement bancaire octroie le crédit à son client et le FCT en devient finalement le prêteur. L’intérêt de ce montage pour la banque est de lui permettre de produire du crédit tout en disposant très vite des liquidités représentatives de cette production, sans attendre plusieurs années avant que les clients aient remboursé l’argent emprunté. En outre, en cédant ses créances, la banque transfère le risque de crédit vers le FCT et se trouve dès lors moins contrainte en termes d’exigences de fonds propres imposées par les règles en vigueur.
La titrisation était à l’origine une technique parmi d’autres à disposition du secteur bancaire pour l’optimisation des activités. Mais avec l’accroissement des normes prudentielles, elle s’est intensifiée, jusqu’à générer un nouveau modèle de financement de l’économie. La titrisation a dépassé sa condition d’accessoire financier à la gestion d’un stock de prêts, pour devenir une phase à part entière du process de production des crédits. En octroyant un prêt, l’établissement bancaire sait déjà qu’il sera logé dans un fonds dédié pour le recevoir. Les FCT ne sont plus seulement une possibilité de placement de l’épargne et un procédé de mutualisation des risques de crédit pour les établissements bancaires. Ils participent indirectement à la création monétaire des banques, donc impactent plus sensiblement l’économie en constituant un circuit parallèle de financement.
Le shadow banking en soi n’est pas un problème. C’est la façon dont il est traité réglementairement qui pose question. Car en effet, les FCT ne sont pas soumis aux obligations prudentielles des établissements bancaires bien qu’ils se soient transformés en quasi-banque. Rappelons que les contraintes de fonds propres appliquées aux entreprises bancaires sont avant tout destinées à la protection des épargnants car ce sont leurs dépôts qui servent à financer la production de crédits. Mais si ces derniers se retrouvent comptabilisés au bilan d’une entité appartenant au shadow banking, les épargnants perdent en quelque sorte leur protection. Le risque de crédit produit avec leur épargne échappera, avec la titrisation, à l’obligation pour la banque qui l’a généré de détenir un niveau minimal de fonds propres faisant office d’une certaine garantie en cas de perte.
Eu égard les sommes en jeu et compte tenu que la titrisation entraîne dorénavant plus de dispersion des risques que leur mutualisation, il est urgent que la chaîne réglementaire aille jusqu’au bout de tous les processus de financement de l’économie, en intégrant le shadow banking. Les règles existent aussi pour lever les voiles.