9 Juin 2010
Le travail serait une source de réalisation de soi, en permettant au travailleur de mettre en forme ce dont il est capable. Autrement dit, le travail serait le passage de la puissance à l’acte. Cette présentation sensée sur le plan théorique, n’en serait-elle pas moins illusoire d’un point de vue pratique ? Peut-on considérer aujourd’hui que travailler, c’est à coup sûr entrer dans la voie de l’épanouissement personnel ? Le monde du travail a énormément évolué au cours des siècles derniers, et encore de nos jours, la souffrance n’en est pas exclue. Sauf que celle-ci est devenue plus mentale que physique, la fonction professionnelle engageant de façon plus importante l’intériorité de l’employé qu’auparavant. Le mal-être au travail ne veut pourtant pas se montrer. D’ailleurs, le consommateur, qui dispose des fruits du travail d’autrui, se refuse à penser aux conditions dans lesquelles le produit de consommation a été fabriqué. Le travail en quelque sorte est caché. Il n’apparaît plus dans les arts, et est très peu abordé dans des considérations humanistes. Par contre, le travail est parlé dans une langue économique, selon des termes renvoyant à l’efficacité. Plus, c’est l’efficience qui gouverne le monde du travail. Il ne suffit plus d’être efficace, mais il convient d’atteindre ses objectifs de la meilleure façon possible, à un coût moindre pour un rendement maximum. C’est selon cette logique que le travail s’est spécialisé, de façon à accroître la productivité et dégager ainsi des excédents, qui peuvent être redistribuées aux plus vulnérables, ou servir les intérêts de quelques uns. La spécialisation a également entraîné une division du travail, notamment sur le plan mondial. Les Etats se sont orientés massivement vers les secteurs qui leur étaient plus favorables, notamment au regard des ressources naturelles dont ils disposaient. En quelque sorte, c’est Adam Smith qui a gagné contre Rousseau, ce dernier ayant toujours refusé l’ouverture des frontières quant à la répartition du travail. Mais cette spécialisation à l’échelle internationale a des conséquences sur la vie professionnelle de chacun. En effet, en se spécialisant, l’homme se contraint à rester dans des domaines de compétence qui excluent toute autre activité qui n’en fait pas partie. Il éteint la curiosité qu’il, enfant, portait en lui. Le petit d’homme aime toucher à tout, multiplier les activités. Il concentre en lui des potentialités, lesquelles ensuite ne seront jamais exploitées par un travail d’adulte consistant à répéter inlassablement les mêmes taches. C’est donc plus la répétition que le travail en lui-même, qui contrarie le dessein d’un développement personnel en milieu professionnel. En effet, n’oublions pas que travailler, c’est avant tout disposer de buts à atteindre, ce qui permet d’orienter sa vie dans un sens donné. Mais il est préférable que ce sens ne soit pas unique pour éviter de se retrouver tout entier dans une impasse, ce qui interdirait tout changement directionnel qui, en plus du sens, donne de l’intérêt à la vie. Il est ainsi préférable de considérer le travail comme une occupation, et non comme une fin ultime.